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Université d’été de l’animal 2017 : Sabrina Krief

Sabrina Krief est primatologue et Maître de Conférence au Muséum National d’Histoire Naturelle. Elle animera une conférence à l’université d’été « L’Animal et l’homme », les 25 et 26 août prochains, sur « Les chimpanzés médecins».

Université d’été de l’animal 2017 : Sabrina Krief
© Sabrina et Kimchi,Jean-Michel Krief

Rencontre :

Passionnée par la faune sauvage, la chercheuse Sabrina Krief est spécialisée dans l’étude des chimpanzés. Elle partage son temps entre le Muséum National d’Histoire Naturelle à Paris, où elle est maître de conférence, et Sebitoli, la station scientifique en Ouganda qu’elle a créée avec son mari photographe. Ses travaux portent sur les chimpanzés, leur santé et les plantes qu’ils consomment, notamment pour se soigner… une automédication dont les hommes ont beaucoup à apprendre.  

Animaux-Online : Quel est votre parcours ?

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Sabrina Krief : Je suis vétérinaire de formation. J’ai également un diplôme d’études approfondies (DEA) en écologie et j’ai fait une thèse de doctorat au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN). J’ai intégré les équipes du MNHN en 2004 comme Maître de conférences et je suis Professeur depuis un an. Dès le début de ma carrière, en 1997, j’ai travaillé sur le terrain avec la faune sauvage. En 1999 je me suis engagée auprès de l’association Help-Congo, accompagnant les premiers pas de chimpanzés orphelins retrouvant la forêt. J’ai par la suite étudié les chimpanzés sauvages en Ouganda, dans le parc national de Kibale dans lequel je travaille toujours aujourd’hui.

A-O : Pourquoi est-ce que vous vous êtes intéressée en particulier aux chimpanzés ?

S.K : Avec mon mari, que j’ai rencontré en classe de terminale, nous avons développé une passion commune pour la faune sauvage. Lors de notre premier voyage à Bornéo, nous avons été frappés par l’état de la forêt tropicale et la succession d’endroits magnifiques et d’endroits complètement dégradés. Nous avons eu la chance, à ce moment là, d’avoir des contacts avec des orangs-outans sauvages. Nous avions alors pour projet de travailler auprès de cette espèce et nous devions intégrer un projet qui a mis un peu de temps à se mettre en place. En attendant, nous avons découvert et partagé pendant 6 mois la vie des chimpanzés de Help-Congo, et depuis je n’ai jamais pu décrocher !

A-O : Qu’est-ce qui vous passionne le plus chez cette espèce ?

S.K : Cela fait près de 20 ans que je les côtoie et les étudie et pourtant les chimpanzés me surprennent encore pratiquement tous les jours. A aucun moment je ne peux me dire « ça y est, je les connais ! » Petit à petit, on progresse bien sûr, mais chaque question en soulève une nouvelle, et les chimpanzés sont particulièrement doués pour attiser la curiosité d’un chercheur. Comme tous les animaux, chaque groupe de chimpanzés, chaque individu est différent, et j’ai toujours envie d’en apprendre plus à leur sujet.

A-O : Sur quoi portera votre intervention cet été ?

S.K : Je vais commencer par aborder l’un des sujets les plus étonnants de mes recherches, à savoir l’automédication des chimpanzés. Comme d’autres animaux, les chimpanzés sont capables d’utiliser des plantes de leur environnement pour améliorer leur santé, mais mon hypothèse est qu’ils arrivent à en utiliser plus, et de façon mieux appropriée que de nombreuses autres espèces. Cela est lié à leurs capacités cognitives, leur mémoire, mais aussi à leur environnement riche en biodiversité, celui de la forêt tropicale aujourd’hui fortement menacée.

Cette présentation de l’automédication des chimpanzés va ainsi m’amener à parler du sujet actuel de mes recherches. Je travaille depuis 2008 sur les effets des activités humaines sur le comportement et l’écologie des chimpanzés. Mes recherches ont montré qu’ils ont des capacités de rebond impressionnantes face à la dégradation de leur environnement, à condition que l’on ne dépasse pas certaines limites…

A-O : L’automédication des chimpanzés peut-elle aider les hommes ?

S.K : Les chimpanzés, très proches de l’homme, peuvent nous servir de guide pour identifier plus vite des plantes intéressantes, susceptibles d’aider la médecine humaine. C’est l’une des idées que je développe dans mes travaux. Il ne s’agit pas de leur « voler » les plantes dont ils se servent, en les utilisant pour nos propres besoins, mais de découvrir et tenter de reproduire les molécules actives les plus intéressantes qui pourraient nous aider à lutter, par exemple, contre le paludisme, les cancers ou des parasites digestifs.

A-O : Quelles sont les principales menaces pesant sur les chimpanzés et comment peut-on, à notre échelle, contribuer à leur préservation ?

S.K : La réduction et la fragmentation de l’habitat de la forêt tropicale est la principale menace les concernant. L’agriculture grignote de plus en plus la forêt et divise les territoires. Le braconnage et le trafic illégal sont également de gros problèmes auxquels sont confrontés les chimpanzés.

Même si nous ne vivons pas à proximité, il est possible de contribuer à leur protection. Il faut pour cela adopter les bons comportements en tant que citoyen et consommateur. On peut notamment refuser d’aller dans certains parcs zoologiques douteux, surtout en Asie mais aussi en Europe, où les singes captifs ont été prélevés directement dans la nature, ou bien encore ne pas assister à des spectacles, comme certains numéros de cirques, exploitant la faune sauvage. Les produits à base d’huile de palme ou les papiers et cartons non recyclés sont également à proscrire car leur fabrication impacte directement les forêts. On sait également que l’extraction du coltan, utilisé pour les smartphones, est catastrophique pour la faune sauvage : 90 à 100% des gorilles ont disparu dans les zones où ce minerai est exploité.

A-O : Quelle est la mission de la station de recherche scientifique que vous avez créée en Ouganda ?

S.K : Il s’agit d’une station dévouée à la recherche scientifique et à la protection des chimpanzés et de leur habitat. Une équipe d’une vingtaine d’Ougandais y travaille, et assure le suivi des chimpanzés sauvages. La station a également pour mission de lutter contre le braconnage et de résoudre les problèmes de cohabitation entre les activités humaines et la faune sauvage. De plus, nous avons une petite équipe dédiée à la sensibilisation environnementale auprès des habitants. Nous essayons notamment de faire changer les pratiques agricoles concernant l’utilisation de pesticides. Nous nous sommes rendus compte que près d’un quart des chimpanzés que nous suivons présentent des malformations faciales très probablement liées à l’utilisation de ces produits.

A lire : « Les chimpanzés des Monts de la Lune », Sabrina et Jean-Michel Krief, les éditions du Muséum et les éditions Belin, 30€.

 

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