Université d’été de l’animal 2017 : Pierre Jouventin

Spécialisé dans l’étude de la faune sauvage en Antarctique, Pierre Jouventin, chercheur de terrain, a découvert cinq espèces d’oiseaux. C’est pourtant sa rencontre inattendue avec le loup, « espèce fascinante », qui a bouleversé une partie de sa vie et orienté ses recherches actuelles sur le chien, et l’animal de compagnie en général.

Animaux-Online : Quel est votre parcours ?

Pierre Jouventin : Après des études de biologie, j’ai mené une carrière de directeur de recherche au CNRS, spécialisé en éthologie et en écologie. J’ai notamment passé près de 10 ans sur le terrain, en Antarctique, à essayer de comprendre comment fonctionnaient les animaux sauvages dans la nature. Aujourd’hui à la retraite, je me consacre à l’étude des animaux domestiques : je cherche à savoir comment ils évoluent auprès de l’homme, dans un milieu artificiel.  

A-O : Comment est-ce que vous en êtes venu à étudier le loup ?

P.J. : C’est une histoire dingue ! Pendant ma carrière, j’étais spécialiste des animaux sauvages, particulièrement les oiseaux et les mammifères marins en Antarctique. Je conseillais également le zoo de Montpellier, où j’habite. Le directeur m’a proposé un jour, dans les années 1970, de recueillir un bébé loup pour le sauver de l’euthanasie. Il y a 40 ans, il était possible d’adopter un animal sauvage, ce qui n’est heureusement plus le cas aujourd’hui. J’étais contre cette idée, mais sachant l’animal condamné, j’ai cédé. Avec ma femme, passionnée par les loups, nous avons élevé cette louve, Kamala, pendant cinq ans, dans un appartement en plein cœur de Montpellier… Je raconte cette histoire incroyable dans un livre que j’ai écrit plus de 30 ans après cette adoption.

A-O : Qu’est-ce qui vous fascine le plus chez le loup ?

P.J. : Cette expérience hors norme m’a permis de découvrir des choses insoupçonnées sur le loup : en grandissant avec nous, en dehors de son milieu naturel, Kamala nous avait assimilés à des membres de sa meute, et nous protégeait comme si nous avions été d’autres loups. J’ai découvert cela par hasard, donc. Kamala, et le loup en général, est en fait capable d’altruisme, c’est inscrit dans son patrimoine génétique. Cette capacité, que l’on retrouve chez certains chiens aujourd’hui, est sûrement ce qui a été à l’origine de la domestication du loup. J’ai étudié en profondeur une trentaine d’espèces d’oiseaux et de mammifères pendant ma carrière. Mais le loup est à part, il est vraiment fascinant.

A-O : Sur quoi portera votre intervention cet été ?

P.J. : Mon sujet portera sur : « La Domestication du loup et le rôle majeur du chien dans l’évolution humaine ». Je vais expliquer qu’il faut d’abord comprendre le loup pour comprendre le chien. Les scientifiques ont longtemps cru que le chien était apparu à l’époque néolithique, au moment où l‘homme s’est sédentarisé, et qu’il était issu de croisements de différents canidés, dont le chacal. Or, on sait aujourd’hui que le chien vient d’une seule espèce, le loup gris. Les chiens sont apparus il y a plusieurs dizaines de milliers d’années, bien avant la sédentarisation de l’homme. Nous l’avons probablement sélectionné parmi les loups, pour nous aider à la chasse. Le loup est en fait très proche de l’homme, non pas génétiquement, comme le chimpanzé, mais nous avons avec lui une convergence éthologique et écologique. Nous avons partagé la même niche écologique de chasseurs coopératifs de gros gibier.

À Lire :

Kamala, une louve dans ma famille, Pierre Jouventin, éditions Flammarion, 21 €

Trois prédateurs dans un salon : une histoire du chat, du chien et de l’homme, Pierre Jouventin, éditions Belin, 18 €

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