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Loi EGalim et bien-être animal : où en est-on ?

Votée en novembre 2018, et bien qu’elle ait déçu l’ensemble des associations de protection animale, la loi Agriculture et Alimentation (EGalim) prévoyait néanmoins l’expérimentation des caméras dans les abattoirs et des abattoirs mobiles ainsi que la nomination d’un « responsable protection animale » dans chacune de ces structures. Quel est le bilan aujourd’hui ?

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Loi EGalim et bien-être animal : où en est-on ?
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2021 sera-t-elle l’année du bien-être animal ? On l’espère ! Alors qu’une nouvelle loi a été votée par l’Assemblée nationale, fin janvier, concernant les animaux de compagnie et les animaux sauvages, nous nous intéressons ici aux animaux d’élevage. Le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, l’avait à nouveau confirmé en décembre dernier : c’est en 2021 que seront officiellement interdits le broyage des poussins (grâce à une méthode de sexage dans l’œuf) et la castration à vif des porcelets (entrée en vigueur prévue le 1er janvier 2022). Également, votée en novembre 2018, la loi Agriculture et Alimentation (EGalim) comportait trois articles pour lesquels un point s’impose aujourd’hui.

L’expérimentation des caméras dans les abattoirs

L’article 71 prévoyait « à titre expérimental et sur la base du volontariat, pour une durée de deux ans, un dispositif de contrôle par vidéo des postes de saignée et de mise à mort, visant à évaluer l’efficacité des protocoles et l’application de la réglementation du bien-être animal ». Le décret d’application de cet article étant paru en avril 2019, nous arrivons bientôt au terme de ces deux ans…

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Il y a un an, le ministère de l’Agriculture annonçait que sur les 934 abattoirs que compte la France, trois s’étaient portés candidats. « Cependant, une quarantaine d’abattoirs sont également équipés de dispositifs de contrôle par vidéo et plusieurs abatteurs ont manifesté leur intérêt », précisait toutefois le ministère. Un comité de suivi de cette expérimentation et de son évaluation avait été également nommé, avec à sa tête François Gerster, membre du conseil général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces ruraux (CGAAER). Bref, avec seulement trois abattoirs équipés (aux dernières nouvelles), cette expérimentation est un fiasco.

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Selon une enquête de Radio France, cet échec pourrait s’expliquer par la réticence de certains syndicats de salariés, qui dénoncent un flicage. Concernant les abattoirs déjà équipés, une majorité de caméras servirait seulement à la sécurité des bâtiments, et non à filmer les animaux… Pour Brigitte Gothière, présidente de L214, cet échec illustre l’absence de volonté politique de contraindre les abattoirs à respecter la réglementation en vigueur. Comme pour l’association connue pour ces vidéos chocs dans les élevages et les abattoirs, Welfarm – une association internationale qui œuvre pour une meilleure prise en compte du bien-être des animaux de ferme dans toutes les étapes de leur vie – aimerait aussi qu’il y ait un vétérinaire constamment sur place, mais estime également que les caméras sont importantes. « Tout moyen supplémentaire pour élargir les contrôles est bon à prendre, explique Pricillia Durbant, chargée d’étude en bien-être pour l’association. Nous souhaiterions une mise en place systématique des caméras à toutes les étapes du processus d’abattage où les animaux sont manipulés. Évidemment, il faut que ces images soient exploitées par une personne compétente qui puisse faire remonter toutes anomalies qui impacteraient la protection animale, afin de les corriger ». Selon elle, ces caméras seraient également un excellent outil dans le cadre de la formation interne : « les images obtenues peuvent servir à former les opérateurs et à leur présenter les bonnes ou mauvaises pratiques, et ce dans leur propre environnement de travail, avec les structures et équipements qu’ils utilisent au quotidien ».

Le responsable de la protection animale dans les abattoirs

« Un responsable de la protection animale (RPA) est désigné dans chaque abattoir, et tout employé acquiert un statut de lanceur d’alerte », avait aussi annoncé la loi EGalim. Ces salariés devaient être désignés au sein des abattoirs pour faire respecter les règles de bientraitance et signaler tout problème. « Suite à nos images, qui ont débouché sur des procès, on a vu des RPA être condamnés… Sur le papier, c’est bien joli, mais ils n’ont, en plus, aucun pouvoir au sein de l’abattoir », explique la présidente de L214. Un avis partagé par Pricillia Durbant, qui regrette que les RPA n’aient pas plus d’indépendance vis-à-vis de leur direction.. « Il peut y avoir des réticences à dénoncer des dysfonctionnements qui pourraient impacter la chaîne d’abattage. Il faudrait pouvoir renforcer l’indépendance des RPA », estime-t-elle.

L’expérimentation des abattoirs mobiles

L’Article 73 prévoyait l’expérimentation, pour une durée de 4 ans, de dispositifs d’abattoirs mobiles. « L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation, notamment de sa viabilité économique et de son impact sur le bien-être animal, dont les résultats sont transmis au Parlement au plus tard six mois avant son terme. Cette évaluation établit des recommandations d’évolution du droit de l’Union européenne », peut-on lire dans la loi EGalim.

Bien qu’une vingtaine de projets soient à l’étude en France, un seul, pour l’instant, verra concrètement le jour, à partir de juin : le bœuf éthique. Lancé par l’éleveuse Émilie Jeannin, il y a 5 ans, cet ensemble de 4 remorques tractées par 3 camions se rendra directement chez des éleveurs de bovins sélectionnés pour leurs pratiques éthiques. Le bœuf éthique achètera les animaux, les mettra à mort sur le site de l’élevage et se chargera de préparer et de commercialiser la viande auprès des bouchers, des restaurateurs, et même du grand public, à travers une plateforme de vente en ligne.

Seulement 8 bêtes par jour pourront être abattues, une cadence bien moindre que celle des abattoirs industriels. « Notre but, c’est de faire moins, mais mieux. L’animal ne vivra plus le stress dû au transport et tout ce que ça implique. Il sera dans un environnement qu’il connaît, avec ses congénères, ses odeurs, son éleveur, et un vétérinaire, explique l’éleveuse engagée. Il ne s’écoule qu’une dizaine de secondes entre l’instant où l’animal quitte ses congénères et son environnement natif et naturel, et le moment où il est mis à mort, alors qu’il pense simplement traverser le camion dans sa largeur pour rejoindre la prairie visible à quelques mètres », peut-on lire sur le site. Un projet innovant en France, mais qui fait ses preuves depuis de nombreuses années en Suède. Pour l’instant, Émilie Jeannin ne sait pas comment l’évaluation de cette expérimentation sera faite, ni qui la réalisera. Affaire à suivre, donc !

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Publié le 19 mars 2021
6 minutes
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