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Zoonose : les animaux peuvent-ils nous tuer ?

Comme la peste, la grippe espagnole, celle de Hong Kong ou encore la variole, la pandémie du covid-19 provient de l’animal. Pour ne pas mourir d’une pandémie qu’il ne pourrait pas maîtriser, l’homme doit-il modifier son rapport à l’animal sauvage et domestique ?

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Zoonose : les animaux peuvent-ils nous tuer ?
Shutterstock

Malgré les polémiques quant à l’origine réelle de l’épidémie de covid-19, qui se propage dans le monde à la vitesse de l’éclair, les experts s’accordent unanimement sur un point : les chauves-souris et les pangolins restent les principaux suspects. « Si certaines études accréditent cette hypothèse car des séquences génomiques proches de ce coronavirus ont été retrouvées chez la chauve-souris et le pangolin, pour l’instant, on ne sait pas grand-chose sur l’origine de la pandémie puisque aucune étude spécifique n’a encore été conduite à ce sujet. L’attention est surtout focalisée sur la crise, sur le développement des protocoles thérapeutiques pour soigner les malades, ainsi que sur la mise en place des stratégies pour limiter la propagation de l’épidémie et caractériser les mécanisme et les modalités de transmission du virus », précise d’emblée Eric Leroy, virologue, spécialiste des maladies transmises par les animaux, ou zoonoses, et directeur de recherche à l’IRD*.
Pour le scientifique, trois modes de transmission du virus à l’homme sont possibles : en passant directement de la chauve-souris à l’humain ; en le contaminant indirectement par le biais d’une autre espèce, comme le pangolin, qui aurait été lui-même contaminé par la chauve-souris ; enfin, grâce à des mutations du virus qui aurait pu s’adapter pour passer de la chauve-souris à l’homme, avec toujours le pangolin comme hôte intermédiaire.
Pour Barbara Dufour, vétérinaire et professeur d’épidémiologie à l’école vétérinaire d’Alfort, c’est la troisième hypothèse qui est probablement à privilégier, d’une part parce que les coronavirus sont une famille de virus dotés d’une grande capacité d’évolution, d’autre part parce que les séquences découvertes chez le pangolin sont plus proches de notre covid-19 que celles découvertes chez la chauve-souris.

Une origine commune

Comme les grandes maladies infectieuses qui ont frappé et frappent encore notre espèce (la peste noire, la grippe espagnole, le sida, Ebola, la variole, la rougeole, la coqueluche), celle du Covid-19 est une zoonose, c’est-à-dire qu’elle est ou – a été– transmises par les animaux. Pourtant, si ces derniers en sont la source, c’est bien l’homme qui en est la cause. En effet, nos modes de vie, notre croissance démographique et l’exploitation des environnements et de la biodiversité nous mettent en contact, nos animaux domestiques et nous, avec des espèces sauvages et des agents pathogènes que l’on ne devrait pas côtoyer. Cette « rencontre » contre-nature crée un terrain favorable pour qu’un virus passe d’une espèce à l’autre. La mondialisation agit aujourd’hui comme un accélérateur de la transmission provoquant une pandémie.

De l’avis de Barbara Dufour, trois facteurs majeurs sont à l’origine de l’émergence de nouvelles zoonoses. Le premier est la modification du climat et des écosystèmes. « La déforestation et le réchauffement climatique modifient par exemple la répartition géographique de nombreuses espèces comme les moustiques qui transmettent la dengue, le paludisme ou encore le virus Zika », explique-t-elle. Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS et au Muséum national d’histoire naturelle, spécialisé dans la biodiversité, explique quant à lui que la déforestation réduit les territoires des espèces sauvages, favorisant ainsi leur densité, les rencontres entre les animaux et donc, fatalement, la circulation des virus. La disparition des forêts permet aussi aux braconniers d’avoir accès plus facilement aux animaux sauvages qui seront capturés puis vendus soit comme animal d’ornement, soit pour leur peau, écaille ou viande, comme le pangolin. La consommation de cette viande sauvage est d’ailleurs à l’origine de plusieurs grandes maladies infectieuses comme le sida, avec la consommation de primates, le Sras de 2002 (très similaire au covid-19) qui vient de la consommation de civette par les Chinois, ou encore du Mers-cov apparu en Arabie Saoudite en 2012, suite à des contacts avec des dromadaires infectés et à la consommation de lait cru. Pour ces deux dernières épidémies, la chauve-souris serait, là encore, l’espèce réservoir du virus.

Le deuxième facteur de l’émergence des zoonoses est simplement l’adaptation naturelle des agents pathogènes (germes, virus, bactéries) qui évoluent, mutent, jusqu’à pouvoir franchir la barrière inter-espèce. Enfin, le troisième facteur, et le plus important de tous : la densité et l’activité humaine, qui engendrent une modification des écosystèmes. « On fait des déplacements incroyables dans des laps de temps très courts. Aussi, la population croît et se densifie, nous obligeant à une production alimentaire toujours plus grande, où l’on met en place des stratégies de culture et d’élevage favorisant la mise en contact avec la faune sauvage », déplore Barbara Dufour.
Les animaux d’élevage peuvent effectivement être tout autant la cause d’épidémies. Ce fut le cas lors de la crise de la vache folle dans les années 1990, responsable de la transmission de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), celle de la grippe aviaire en 2006 ou encore celle de la grippe A (ou H1N1) en 2009. Parmi ces épidémies, celle du virus Nipah qui a émergé en Malaisie en 1998 illustre parfaitement le scénario de ces transmissions de l’animal sauvage à l’homme en passant par l’animal domestique. A l’époque, des parcelles de forêts ont été rasées afin d’y installer des élevages de porcs. Ces derniers ont alors mangé des fruits souillés par des chauves-souris frugivores qui vivaient là avant la déforestation et ont contracté le virus. Celui-ci s’est ensuite transmis aux éleveurs en contact avec des animaux malades ou avec des tissus contaminés.
Faire coexister différentes espèces d’animaux, sauvages et domestiques, permet aux virus des unes de passer aux autres, de se multiplier, de se recombiner et, à terme, d’infecter l’humain. Les grandes densités d’animaux d’élevage, génétiquement homogènes (autre paramètre facilitant la transmission des virus) ainsi que l’utilisation abondante d’antibiotiques sont des facteurs aggravants de ces épidémies. L’augmentation du nombre de bactéries devenant résistantes aux antibiotiques est d’ailleurs considérée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme étant l’une des « plus graves menaces pesant sur la santé mondiale ».

Des pandémies inévitables ?

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Pour l’ensemble des experts, des pandémies autrement plus graves que celle du covid-19 sont à redouter si nous n’amorçons pas de réels changements. Pour le virologue Eric Leroy, il est même certain que d’autres épidémies se présenteront. « La majorité des maladies infectieuses proviennent des animaux depuis l’histoire de l’humanité. Elles ne vont pas disparaître. Le tout est de comprendre leurs origines pour être plus rapide, développer des modèles de prédictions, des méthodes de lutte et des protocoles sanitaires ». Un avis partagé par le professeur Barbara Lefour : « Nous devons modifier nos pratiques de production et arrêter de manger des animaux sauvages de manière non contrôlée. Néanmoins, il y aura d’autres épidémies, c’est inévitable. Il faut nous y préparer afin de réduire le risque que la situation explose, comme c’est le cas avec le Covid-19 ».

*Institut de recherche pour le développement.

Tuer les chauve-souris : un remède pire que le mal

Les autorités péruviennes ont demandé à la population de ne pas tuer les chauves-souris, après le sauvetage de 200 de ces mammifères que des paysans s’apprêtaient à brûler les rendant responsables de l’épidémie de coronavirus. Il est important de rappeler qu’il ne faut pas diaboliser les espèces porteuses de virus responsables de zoonoses. Penser qu’en les faisant disparaître, le problème disparaîtra à son tour, est une grave erreur ! « Tout est en équilibre. La biodiversité est un château de cartes », illustre le virologue Eric Leroy. Les chauves-souris mangent par exemple énormément d’insectes. Les anéantir reviendrait à favoriser le développement de milliard d’espèces d’insectes ce qui entraînerait peut-être des problèmes bien plus graves. La stratégie n’est donc pas de les tuer mais simplement d’éviter le contact en ne les mangeant pas ».

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Publié le 24 juillet 2020
6 minutes
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