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Le vrai visage du transport maritime des animaux de rente

Sur les côtes méditerranéennes, des dizaines de cadavres de vaches, moutons ou chèvres sont retrouvés échoués chaque année. Ils font partie des 3 millions d’animaux que l’Europe exporte tous les ans par la mer, direction l’Afrique du Nord ou le Moyen-Orient. Un voyage synonyme, le plus souvent, d’enfer pour ces bêtes.

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Le vrai visage du transport maritime des animaux de rente

Après des heures de camion, les animaux européens, destinés à être consommés de l’autre côté de la Méditerranée, embarquent sur un vieux cargo pour 2 à 10 jours de traversée. Mais que se passe-t-il vraiment à bord ? Aucune réelle certitude puisque même la Commission européenne l’ignore. « Ni les États membres ni la Commission ne disposent d’informations ou de statistiques sur l’état de santé et le bien-être des animaux en mer », constate-t-elle dans un rapport publié en mai, après une enquête de 2 ans en Europe et des audits réalisés en Espagne, en Roumanie, en Slovénie et en Croatie. Déplorant qu’il n’existe aucune donnée sur le taux de mortalité en mer en Europe, la Commission constate que « la majorité des États membres ne reçoit aucun retour du pays de destination sur l’état des animaux à l’arrivée, ni du transporteur, ni du capitaine, ni de l’exploitant du navire ». Autrement dit, une fois à bord des cargos, les animaux disparaissent des radars.

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Aucun contrôle possible

Pollution, transport de drogue, carcasses jetées par dessus bord… L’association Welfarm a décidé de lever le voile sur le transport de ces animaux qui ne respecte en rien les règlements des pays exportateurs. « Les exportateurs sont censés respecter le règlement protégeant les animaux en cours de transport jusqu’à ce qu’ils arrivent sur leur lieu de déchargement, rappelle Adeline Colonat, chargée de la campagne Transports chez Welfarm. Puisque les autorités françaises autorisent ces exportations, nous voudrions bien savoir comment elles contrôlent, concrètement, ce qui se passe en mer et sur les routes du Liban ou de l’Algérie. » Une question rhétorique puisqu’Adeline Colonat est consciente que ces contrôles dans les pays importateurs sont irréalisables. C’est justement pour cette raison que Welfarm, accompagnée de 4 autres ONG*, renouvelle sa demande adressée en 2019 au Premier ministre afin de suspendre les exportations d’animaux vers les pays tiers. « C’est la finalité que l’on aimerait atteindre mais si, déjà, le transport de ces animaux vivants pouvait s’arrêter, cela serait une belle étape. On ne veut pas que ces animaux subissent ça de leur vivant car, quelle que soit la qualité du voyage, ils vont de toute façon au même endroit, subir des pratiques qui sont illégales en France… Ils sont frappés, ligotés, suspendus encore conscients et ont la gorge cisaillée avant de mourir après une longue agonie », décrit amèrement la chargée de campagne. Une pétition lancée par l’association sur action-transports.fr a déjà récolté plus de 66 000 signatures.  

Une étude de l’université de Wageningen, aux Pays-Bas, publiée en 2017, avait montré que, sur un transport d’agneaux de la Hongrie à l’Italie, il était plus rentable et moins polluant de transporter les carcasses des animaux plutôt que les animaux vivants. Une autre étude de cette même université avait montré en 2009 que remplacer le transport de cochons par celui de la viande réduirait les coûts de 30 % et les émissions de CO2 de 40 %. Dans le cas des chevaux, on passe à 50 %. « La différence est que transporter de la viande signifie respecter la chaîne du froid de A à Z, et ça, logistiquement, c’est contraignant », précise Adeline Colonat.

Des « bateaux-poubelles »

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Depuis plusieurs années, et jusqu’à récemment, les preuves de ce qu’endurent ces animaux en mer s’accumulent. Manque d’eau ou de nourriture, températures extrêmes, absence de soins… Les animaux qui meurent à bord des cargos seraient ainsi jetés à la mer, tout comme le lisier ou même directement le fumier avec la paille.  Une pratique illégale puisque la Méditerranée est classée zone protégée par la convention Marpol. « Le problème est qu’à notre connaissance, aucun port étranger ne possède de structure permettant aux cargos de décharger tout cela à l’arrivée, donc oui, ils ont l’ordre de tout jeter par dessus bord… », admet tristement Adeline Colonat.

Autre problème majeur : l’état des cargos. « Les bateaux-poubelles, comme on les appelle, sont des bateaux réformés qui transportaient de la marchandise avant. Généralement, ils sont emmenés à la casse et sont transformés (enclos, abreuvoir, ventilateur) pour pouvoir accueillir des animaux », ajoute-t-elle. Dans son rapport, la Commission pointe justement du doigt les inspections bâclées des navires, autorisés à partir quel que soit leur état : « Les vétérinaires sont soumis à une forte pression de la part des exportateurs pour approuver les expéditions […] Lorsque l’inspection d’un navire reflétait des carences, il était tout de même autorisé à charger des animaux ». Des décisions parfois lourdes de conséquences, comme en témoigne l’incident survenu en novembre 2019. Le Queen Hind, un navire qui transportait près de 15 000 moutons, a chaviré au large de la ville portuaire de Constanta, en Roumanie. Il avait pour destination l’Arabie saoudite. La quasi-totalité des animaux se sont noyés…

Qu’en est-il en France ? La Commission n’a pu auditer le port de Sète, en avril, en raison du Covid-19. « Le port bétailler, qui envoie plus de 150 000 ovins et bovins chaque année, a fait peau neuve en 2019, mais ce sont toujours les mêmes bateaux-poubelles qui viennent y charger des animaux », explique Adeline Colonat. Moyenne d’âge : 42 ans, soit 10 de plus que pour les cargos de marchandises. Selon Welfarm, 85 % des navires ayant chargé des animaux à Sète depuis 3 ans sont classés sur la liste noire par le Mémorandum de Paris, c’est-à-dire qu’ils présentent un risque élevé en matière de sécurité maritime. « Alors, oui, Sète se vante de leur certification bien-être avec leur nouveau hangar permettant d’accueillir les animaux après leur long voyage en camion, avant de monter dans le cargo. Mais il n’y a pas de planification. Il arrive, et on l’a constaté de nos yeux, que les camions débarquent tous en même temps, sous 40 °C, et que les bêtes attendent des heures dans le camion avant d’aller dans le hangar ou, pire, qu’elles soient directement placées dans le cargo alors que ce dernier ne part que le lendemain ». C’est pourquoi, en plus de demander la suspension de ces exportations, Welfarm demande également l’interdiction de tous les transports d’animaux quels qu’ils soient, lorsque la température n’est pas comprise entre 5 °C et 30 °C.

* L214, Fondation Brigitte Bardot, CIWF, LFDA.

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Publié le 18 juin 2020
5 minutes
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