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Chasser les chats errants pour protéger la petite faune sauvage ?

Les propos tenus par le président de la Fédération nationale des chasseurs sur la nécessité de « piéger » les chats errants qui « détruisent la biodiversité » ont enflammé la Toile. Pourquoi n’est-ce absolument pas une solution ? Qu’existe-t-il pour limiter la prédation des chats ? Animaux-Online fait le point.

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Chasser les chats errants pour protéger la petite faune sauvage ?
Shutterstock

« Le chat tue bien plus d’animaux que les chasseurs, ce n’est même pas à comparer. Il faut trouver une solution pour le chat et, effectivement, le piégeage du chat à plus de 300 mètres de toute habitation serait une bonne chose. […] le chat est en train de détruire la biodiversité. » Voici les phrases prononcées par le président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), Willy Schraen, lors d’un live sur Chassons.com. Bien évidemment, les associations de protection animale se sont immédiatement insurgées contre de tels propos. Il s’est alors rapidement défendu : « Ce que j’ai dit peut être une formule de bon sens et ça se fait déjà. C’est ce que font les maires en faisant venir la fourrière qui les amène à la SPA où ils sont stérilisés. […] L’objectif, ce serait juste d’attraper les chats, la mairie pourrait ensuite remettre les animaux pris à la fourrière de la SPA », a-t-il déclaré à l’AFP.

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« En effet, il a fait très attention aux mots qu’il a choisis, précise Gorete Neves, du Collectif Chats 100 % Stérilisation Obligatoire, qui réunit plus de 600 refuges et associations. Il n’a pas utilisé le verbe « chasser » ou « tuer », mais « piéger » ».  Toutefois, selon elle, dans tous les scénarios possibles, le chat finirait par être éliminé. « Seuls les associations et refuges ayant une autorisation de la mairie ou un arrêté municipal peuvent prélever des chats errants ou divagants directement dans la rue. La SPA, qui possède 55 refuges, n’a que 12 dispensaires où les personnes ayant une autorisation de leur mairie, soit très peu de gens, peuvent amener les chats errants se faire stériliser et tatouer. Je ne vois pas les chasseurs attendre une matinée pour récupérer le chat stérilisé, le garder en convalescence de 3 jours à une semaine pour ensuite le relâcher à l’endroit exact où ils l’ont capturé », explique-t-elle. Elle ajoute qu’en dehors des dispensaires, les refuges SPA ne prennent que des animaux abandonnés, saisis ou qui sortent de fourrière après les 8 jours de délai légal et qui sont adoptables. C’est un point important puisque, comme l’a souligné à l’AFP Allain Bougrain-Dubourg, directeur de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) : « Si vous prenez un chat sauvage et le proposez à l’adoption, c’est comme si vous mettiez un tigre en cage ».

Ensuite, pourquoi spécifier la distance de 300 mètres ? Selon l’article L211-23 du Code rural, « est considéré comme en état de divagation tout chat non identifié trouvé à plus de 200 mètres des habitations ou tout chat trouvé à plus de 1 000 mètres du domicile de son maître et qui n’est pas sous la surveillance immédiate de celui-ci. « « Piéger » des chats à plus de 300 m des habitations, c’est la certitude de capturer les animaux domiciliés dans le quartier ! », s’insurge Gorete Neves. De toute façon, selon elle, de nombreux chats sont déjà victimes des chasseurs qui se vantent de leurs exploits sur les réseaux sociaux, de nombreux cas de chats retrouvés criblés de plombs ou encore blessés par des pièges à loup installés près des habitations. Un constat également fait par l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), qui souligne sur son site le fait que le chat est un concurrent pour les chasseurs, au même titre que le renard, puisqu’il s’attaque au petit gibier. « Et ce n’est un secret pour personne que les chats divagants sont l’autre bête noire des « premiers écolos de France » en ce qu’ils seraient susceptibles de compromettre leurs « plans de repeuplement du gibier » en s’attaquant aux bébés faisans, perdrix, lapins, lièvres ou autres petits d’animaux d’élevage incapables de se défendre dans la nature », ajoute l’association.

Gorete Neves. Chat criblé de plombs receuilli par le refuge de l’ASCLAF

Gorete Neves essaye toutefois de voir le bon côté des choses et ne pense pas qu’une telle autorisation puisse être accordée aux chasseurs, malgré tous les soutiens haut placés qu’ils détiennent. « La population française réclame de plus en plus d’éthique animale, et les gens aiment trop les chats. Une telle chose ne pourrait pas survenir en métropole sans une réaction agressive de la population, rassure-t-elle. Enfin… Je l’espère. Après tout, on a vu le ministre de l’Agriculture assister à une corrida, le permis de chasse pratiquement donné ou encore la volonté de remettre en place les chasses présidentielles… »

Le coupable idéal

D’après l’étude Facco-Kantar TNS de 2018, 14,2 millions de chats ont élu domicile dans les foyers des Français. À ce nombre, il faudrait ajouter 11 millions de chats errants selon un rapport d’étude de 2018 de One Voice. « Si les chats ont une prédation qui peut sembler importante, ils ne tuent pas plus qu’avant, et si l’on considère les dommages causés par les pesticides, la destruction des espaces naturels et le dérèglement climatique, leur action n’est pas à elle seule responsable de la diminution des oiseaux ! Le fait qu’il n’y ait plus de mouche qui s’écrasent sur votre pare-brise ne veut pas dire que les chats ont mangé toutes les mouches ! », s’insurge Gorete Neves. Un avis largement partagé par Brunilde Ract-Madoux, éthologue et consultante en comportement félin. « On accuse le chat de la diminution de la faune sauvage, mais surtout des oiseaux alors qu’il chasse aussi des insectes et des rongeurs mais ça, c’est moins important, apparemment… Or, les oiseaux disparaissent pour pleins d’autres raisons : les pesticides, l’urbanisation qui les empêche de nicher et de se nourrir, le fait que certaines espèces migratrices sont capturées dans d’autres pays et donc ne reviennent pas, etc. », explique-t-elle. De même, Allain Bougrain-Dubourg estime que la disparition des oiseaux est principalement attribuable à « l’agriculture intensive avec son cortège chimique ».

Un impact néanmoins réel

Toutefois, ces spécialistes n’ignorent pas que, oui, le chat chasse, qu’il soit errant ou domicilié. « On estime qu’un chat ramène à son maître seulement un tiers des animaux qu’il tue », détaille l’éthologue. Selon le rapport de One Voice, les chats « auraient déjà contribué à la disparition de 33 espèces d’oiseaux dans le monde. Sur les îles où ils ont été introduits, ils sont responsables de l’extinction d’au moins 14 % des espèces d’oiseaux, mammifères et reptiles, et on considère qu’ils sont la principale menace pour 8 % des espèces de ces mêmes genres en danger critique d’extinction ». Certaines de ces îles ont d’ailleurs mené des campagnes d’éradication massives, qui n’ont pourtant pas réglé le problème…

À lire aussi : Pourquoi le chat chasse-t-il ?

En 2015, l’Australie a lancé un vaste programme d’éradication afin de tuer 2 millions de chats errants – soit 10 % de la population – d’ici 2020. Pour cela, le gouvernement n’a reculé devant rien : robots tueurs, saucisses empoisonnées, application pour signaler un chat… Plusieurs millions de dollars ont été dépensés dans la mise en place de ces stratégies. « De telles dispositions ont déjà été prises en toute discrétion en France, en 2015, sur l’île française Juan de Nova, dans les TAAF*. Une opération d’éradication de 95 % des chats qui peuplaient cette île inhabitée a été menée dans le but de conserver le patrimoine naturel de l’île et de maintenir le fonctionnement des écosystèmes », peut-on lire dans Le Manifeste des Pattes mauves, coécrit par Gorete Neves. « Tuer ne règle pas le  problème, on le voit bien sur ces îles, car il en restera toujours pour se reproduire. Et puis, c’est un véritable business, ils ne veulent certainement pas que ça s’arrête », nous explique-t-elle.

La solution ? la stérilisation.

« Nous avons conscience de l’obligation qui est faite aux communes de mettre en place des fourrières destinées à gérer la problématique de l’errance animale. Néanmoins, et les chiffres le démontrent, une politique de stérilisation massive serait à la fois plus efficace sur le long terme et plus économique qu’une politique létale. Le coût de fonctionnement des fourrières est colossal pour les contribuables français. […] Le budget des fourrières, rapporté au nombre d’euthanasies et de cadavres ramassés, donne un coût unitaire estimé à 300 € par animal. Alors que celui de la stérilisation s’élève, en moyenne, à 61 € pour une chatte et à 110 € pour une chienne », détaille Le Mouvement Pattes mauves dans son manifeste.

Plus éthique et moins coûteuse, toutes les associations se rejoignent pour dire que la stérilisation est LA solution à la surpopulation féline, à l’errance animale, à la prédation sur la faune sauvage et à la surcharge des refuges. « La stérilisation permet de garder une population contrôlée et stable, puisque les félins stérilisés défendent leur territoire et empêchent les autres de s’y installer et de s’y reproduire », explique Reha Hutin à la Fondation 30 Millions d’Amis. Le Collectif Chat 100 % stérilisation Obligatoire milite d’ailleurs pour l’adoption d’une loi rendant obligatoire la stérilisation des chats non LOF de plus de 6 mois par leurs propriétaires.

Des solutions complémentaires existent néanmoins pour essayer de limiter la prédation des chats, dont certaines sont controversées… Clochette, collerette, interdiction de sortie, dispositif anti-prédateur… Pour plus d’informations, consulter notre article : Quelles astuces existe-t-il pour limiter la prédation des chats ?

* Terres australes et antarctiques françaises.

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Publié le 15 mai 2020
8 minutes
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