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Aston, un colosse aux pieds agiles

Fort comme un bœuf mais gentil comme un agneau, Aston vit heureux dans une ferme lorraine, où il se prend parfois pour un cheval d’obstacle.

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Aston, un colosse aux pieds agiles
A. Beinat

Aujourd’hui, Aston ne veut rien faire. Est-ce la présence du photographe ? En tout cas, il fait sa mauvaise tête et ses yeux, reflets de ses humeurs, lancent des regards sombres. «Ah non, tu ne vas pas faire ta mauvaise tête!» Sabine Rouas l’a saisi par une corne et le tance avec autorité. Grondée, l’énorme bête prend alors une expression contrite, fait presque le dos rond et obtempère… Etonnant !

Sabine allie l’art et la manière car cette consultante et formatrice en management est aussi ethnologue et cavalière de compétition. Sa relation avec son étrange animal de compagnie est surtout faite de complicité et d’amour. Une drôle d’histoire qui a commencé il y a plus de sept ans à Strasbourg : «Je faisais une belle dépression après la perte d’Underwood, mon cheval de Grand Prix. J’ai donc décidé d’aller vivre avec mon futur mari qui travaille au Luxembourg. En face de notre appartement, il y avait une étable…»

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A cette époque, même si elle conserve un contact avec les animaux, les gros gabarits tels que les chevaux lui manquent cruellement. Pas encore prête à reprendre un cheval, elle rend visite aux bovins de la ferme voisine et se prend d’amitié pour une vache dont le numéro de boucle d’oreille est le 309 : « Je me suis mise à lui enseigner des tours, donner la patte, etc., et mon opinion sur cette espèce a progressivement changé. Jusque-là j’avais des idées préconçues du style : les vaches, c’est fait pour brouter de l’herbe et fournir de la viande. Or, je me suis rendu compte que “ma 309” apprenait très vite et n’oubliait rien, même après de longues périodes sans me voir. »

De mauvaises habitudes

Reproductrice de race simmental, 309 attend de nouveau un petit qu’elle a conçu avec un taureau charolais. Sabine, qui lui parle régulièrement à travers le ventre de la mère, décide de sauter le pas : avec l’accord de son mari, elle achète 309 et son taurillon, un nouveau-né qui va s’appeler Aston : « Parce que mon mari aime la marque anglaise de voitures Aston Martin et qu’il trouvait que 309, ça faisait Peugeot… »

Obligation première : trouver une maison avec beaucoup de terrain. C’est chose faite dans un petit village de Lorraine. L’acquisition va prendre un an et, pendant ce temps Aston, qui est resté en pension, a pris de mauvaises habitudes…

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Pesant déjà près de 500 kilos, il ne respecte rien et franchit allègremement les clôtures, déboulant chez les voisins sans prévenir. Même les fils électriques ne l’arrêtent pas : «Il fermait les yeux et avançait contre la barrière électrique jusqu’à ce qu’elle cède! J’ai bossé comme une folle pendant quatre mois pour canaliser son énergie. Il a tout de suite été à l’écoute et pendant toutes ces heures d’exercices, je le faisais travailler avec des récompenses. Aujourd’hui, il a cinq ans et apprend extrêmement vite.» Et Aston pige tout : monter dans un van, aller au box, accepter les manipulations comme le brossage, le soin des sabots ou la douche. Petit à petit, le jeune taureau a même accepté des poids que sa maîtresse déposait sur son dos : couverture, tapis… Puis enfin, au bout d’un an, le grand jour. Sabine est montée sur le dos d’Aston. Aujourd’hui, l’énorme bovidé se laisse chevaucher et obéit aux ordres comme le ferait un cheval. Il faut le voir pour le croire : en avant, en arrière, la révérence, et même le franchissement d’une petite barre… Avec Aston, c’est un peu le Cadre noir en version convoi exceptionnel. Il évolue d’un pas à la fois lourd et alerte et cette vision surprenante est le fruit d’un très long apprentissage basé sur la confiance mutuelle et la patience.

A.Beinat. Le brossage fait partie des activités journalières qui permettent à Aston de conserver un bon moral.

DE BEAUX BLEUS

Car Aston, s’il est castré, conserve pleinement son caractère de taureau. C‘est d’ailleurs la raison pour laquelle sa maîtresse l’appelle toujours « Aston le taureau » sur la page Facebook qu’elle lui a consacrée. De plus, il a gardé deux longues cornes particulièrement impressionnantes dont il use parfois mais sans aucune violence : «Quand il en a marre, il prévient toujours par le regard, montre sa corne puis secoue la tête. Mais ce faisant, on peut se prendre un coup de corne involontaire qui peut tout de même laisser de beaux bleus.»

Avec le temps, Sabine a fini par faire son deuil d’Underwood et a repris un cheval, qui s’appelle Samy. Entre Samy et Aston, cela n’a pas « matché » tout de suite. Les deux animaux vont mettre près de trois ans avant de pouvoir cohabiter : « Ils avaient peur l’un de l’autre. Aujourd’hui, ils sont inséparables et jouent ensemble. Au contact du cheval, Aston a pris certaines postures par mimétisme, tout comme il a vite compris la manière de lui échapper par de brusques virages à angle droit quand Samy le poursuit pour lui mordre les fesses! »

A.Beinat. Le Cadre noir de Saumur, revu et corrigé par Aston.

L’entretien d’Aston est similaire au coût d’un cheval. Il a son vétérinaire, son ostéopathe et son maréchal-ferrant qui fait sa pédicure tous les trois mois. C’est un travail d’importance car avec sa tonne et demie et les exercices qu’il fait, Aston ne doit surtout pas boiter. Il perdrait définitivement sa stabilité.

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Dans le milieu agricole, on regarde Sabine comme une bête curieuse mais dans le monde du cheval, on s’intéresse à ce couple atypique et, dès 2015, Sabine emmène régulièrement Aston en démonstrations publiques. « Je ne pensais pas du tout faire ça avec lui et je le fais sans aucune ambition de rentabilité. C’est d’abord du plaisir que je prends avec lui et qu’il reçoit en retour. C’est aussi une manière de casser les idées reçues sur les animaux de ferme. Désormais, je l’emmène parfois aussi dans mes cycles de formation en entreprise. Pour travailler la confiance en soi, il est imbattable! »

Woodstock, le petit chat aveugle qui Sabine a recueilli, doit parfois veiller à ne pas se faire écraser…

Aujourd’hui, Aston a vraiment été sympa, au lieu de ses 25 minutes habituelles, il a accepté de travailler pendant les deux heures nécessaires au reportage photographique. Mais soudain, il a fait savoir qu’il en avait assez, est passé avec souplesse sous le fil qui borde la carrière et a filé comme une flèche vers son parc, à travers un passage qui s’apparente pour lui à un trou de souris. Sacré Aston ! Un vrai cabot ! 

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Publié le 30 mai 2019
6 minutes
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