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Quelle décision prendre face à son handicap ?

Le grand âge, l’accident, la maladie… il en va des animaux comme des hommes: parfois, le handicap vient là où on ne l’attend pas. Pour le praticien, c’est le bien-être de l’animal qui doit guider le propriétaire dans sa décision quant à l’avenir de son compagnon…

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Quelle décision prendre face à son handicap ?
Shutterstock/Kopelev

Le handicap chez l’animal nous renvoie toujours à l’image du très vieil animal
impotent, voire paralysé, sans autonomie, pour lequel on imagine une certaine forme de souffrance, ressentie comme peu acceptable. Mais dans la réalité, ces situations sont moins caricaturales et nous amènent à nous interroger sur le bien-fondé de la poursuite ou non des traitements lorsque nos animaux arrivent en fin de vie et que leur mobilité ou fonctions sont amoindries.

Évaluer son niveau de bien-être ou mal-être

Si, pour le commun des mortels, le handicap est ce qui empêche l’individu, qu’il soit humain ou animal, de « vivre normalement », comme ses congénères en parfaite santé, comment sait-on si l’animal handicapé est en état de bien-être ou de malêtre ? Pour les vétérinaires comme pour les éthologues, le bien-être animal permet à tout individu d’exprimer les comportements propres de
son espèce : c’est-à-dire manger, boire, se reposer, mais aussi explorer, chasser, avoir des activités sociales, etc. A priori, effectivement, le handicap placerait l’animal en état de malêtre puisque, paralysé, un chien ne peut pas explorer son environnement et encore moins chasser. 

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Toutefois, les handicaps variant d’un animal à l’autre, tous les besoins naturels qu’ils ne peuvent plus satisfaire n’ont pas la même valeur. Un chien âgé, atteint par exemple de cataracte, qui perd une partie de ses capacités visuelles lorsque la luminosité est faible, voit ses capacités diminuées. On peut donc dire qu’il est handicapé. Mais le champ de ses activités reste plus étendu que celui d’un animal paralysé ou d’un autre qui éprouve des difficultés à s’alimenter ou qui ressent trop de douleurs pour se reposer. Pour ces animaux-là, l’impossibilité de satisfaire des besoins fondamentaux, comme l’exploration, l’alimentation ou le repos, met en péril leur bien-être. 

Si l’on s’en tient à ces descriptions du handicap, l’arthrose comme l’obésité sont à inclure dans la catégorie des handicaps, puisque ce sont des affections durables qui empêchent un individu d’accomplir les activités nécessaires à son bien-être. Chez les macaques, les individus souffrant de malformations des membres (comme des doigts de la main ou du pied manquants) ont moins d’interactions avec les membres de leur groupe, et le temps qu’ils consacrent à l’épouillage (un comportement social important) est fortement diminué. Chez certaines races de chiens, on pourrait même inclure dans la liste des handicaps une peau exagérément plissée, qui rend quasi inexistantes les expressions faciales pourtant nécessaires à leur intégration au sein d’un groupe de chiens. En effet, ils ne peuvent pas produire les mimiques faciales propres à leur espèce et perdent ainsi une partie de leur capacité de communication avec leurs congénères, ce qui augmente le risque d’apparition de conflits. Pourtant, ces chiens, sélectionnés sur un « hypertype » physique (c’est-à-dire l’exagération d’une particularité physique du standard de la race), émeuvent bien moins, sur le plan du handicap, qu’un chien amputé d’un membre, certainement parce que nous n’envisageons pas que « la supersélection » puisse nuire à la qualité de vie de l’animal ! Pour ces nombreuses races hypertypées, c’est l’humain qui crée, sélectionne et entretient ces handicaps. 

Dans le cas de handicaps sévères, la question de la souffrance pour nos animaux de compagnie se pose immanquablement au moment de la décision thérapeutique. Par exemple, dans certains cas de fractures graves ou de tumeurs osseuses, on peut être amené à évoquer l’amputation de l’animal. Même si l’image est forte et choquante, plus de 95 % des chiens et 90 % des chats privés d’une patte retrouvent un confort de vie et une capacité locomotrice normale. Néanmoins, le handicap est réel puisqu’on constate des modifications comportementales chez un tiers des chiens
amputés : agressivité, ou à l’inverse, plus grande docilité, anxiété, perte d’intérêt pour les congénères. 

Les animaux paralysés des membres postérieurs nécessitent un réel investissement de la part de leurs maîtres. Même si il existe de nombreuses nuances. Par exemple certains chiens qui ne peuvent pas se lever seuls vont quand même arriver à se déplacer suffisamment pour faire leurs besoins « proprement » si on les aide à se relever. D’autres animaux, dont la moelle épinière est endommagée par une hernie discale ou une fracture vertébrale, ne peuvent plus du tout se déplacer et parfois même ne contrôlent plus leurs défécations et leurs mictions. C’est alors au maître d’assurer le maintien de ses fonctions vitales et de le nettoyer plusieurs fois par jour. La gestion d’un animal paralysé nécessite pour le maître entre 2 et 44 heures par semaine de soins ! Pour ces propriétaires, cela a un impact important sur leur emploi du temps, leur vie sociale… Leur ressenti émotionnel est alors à prendre en compte car ils doivent gérer souvent seuls cette situation qui devient une souffrance. 

Alors jusqu’où est-il raisonnable d’emmener nos compagnons ? Il n’y a pas de réponse. Chaque cas est unique et c’est avant tout un ensemble de facteurs qui doivent amener le propriétaire et le vétérinaire à la meilleure réponse pour chaque individu. La communication entre le maître et le vétérinaire est un élément capital pour espérer la meilleure gestion d’une situation toujours difficile et stressante. Il faut prendre du temps pour évoquer toutes les options thérapeutiques et expliquer leurs modalités, avantages et inconvénients. Faut-il opérer ? Quelles sont les chances de réussite ? Faut-il des examens complémentaires pour améliorer notre vision globale et future du handicap ? Et si l’on ne fait rien ? Souffre-t-il ? Souffrira-t-il demain ?

Dans la peau du maître-soigneur

En plus de ces informations scientifiques et des différentes possibilités qui en découlent, il faut évoquer le ressenti qu’a un maître face à la maladie de son animal. Par exemple, l’amputation (qui constitue un handicap mais de bon pronostic dans la majorité des cas) pourra soit être catégoriquement refusée, soit être considérée d’emblée comme la meilleure des options. Le passé de chaque propriétaire vis-à-vis de la maladie, du handicap et de la souffrance est un facteur qui influence fortement la perception du handicap chez l’animal et la prise des décisionss’y rapportant. Même le vécu du vétérinaire pourra influencer sa manière de présenter la chose : s’il a connu un ou plusieurs cas récents d’animaux qu’il a amputés et qui n’ont pas réussi à s’adapter au handicap, sans doute sera-t-il très nuancé dans sa présentation des bénéfices de cette même intervention.


La solution idéale serait de pouvoir mesurer le ressenti de l’animal et ses émotions. Certains chiens paralysés qui se déplacent avec des chariots font preuve d’un réel enthousiasme ; il ne serait donc pas logique de cesser leurs soins. D’autant plus que la majorité des propriétaires en charge d’un animal handicapé déclarent que les soins qu’ils lui apportent ont été l’occasion d’améliorer la qualité de leur relation et par là même d’améliorer le bien-être de leur animal. A contrario, d’autres individus, souffrant d’un handicap théoriquement moins prononcé, se trouveront en situation de réelle souffrance et incapables de s’adapter. Pour eux, la poursuite des soins pourrait alors s’apparenter à de l’acharnement thérapeutique où l’on ne tiendrait pas compte de leur souffrance aussi bien physique que morale…

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Publié le 27 novembre 2015
8 minutes
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