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Gendarmes, policiers… sont-ils formés pour gérer un chien agressif ?

Après que deux chiens errants catégorisés ont été abattus par les forces de l’ordre en octobre dernier, les réactions ne se sont pas fait attendre du côté des amis des animaux. Car c’est l’incompréhension qui prévaut et des interrogations surgissent quant à la formation de ces unités pour gérer ce genre de situation.

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Gendarmes, policiers… sont-ils formés pour gérer un chien agressif ?
Shutterstock

Au mois d’octobre dernier, et à deux jours d’intervalle, deux chiens catégorisés (des American Staffordshire) ont été abattus, l’un par la police, l’autre par la gendarmerie alors qu’ils étaient en situation de divagation. Pour le premier, survenu à Loudéac, le 15 octobre, le chien s’était enfui et errait dans les rues avec un autre amstaff. Les riverains se sentant menacés avaient appelé la police. Les chiens auraient alors chargé les policiers, les contraignant à tirer pour se protéger. L’un est abattu d’une balle dans la tête, l’autre prend la fuite. Ils ne portaient pas de muselière et le maître n’avait pas de permis de détention, pourtant obligatoire avec ce type de chien. Une procédure a donc été ouverte contre lui pour détention illégale de chiens. Le maire de Loudéac, Bruno Le Bescaut, a porté plainte pour les insultes qui ont fleuri sur les réseaux sociaux et a défendu le choix du policier : « Malheureusement, l’agent de police n’avait pas d’autre solution que de faire usage de son arme. Aucun autre moyen de défense n’aurait permis de neutraliser simultanément les deux chiens, ni permis de protéger les agents et les témoins de la scène », explique-t-il dans un communiqué.

Pour la seconde affaire, qui s’est déroulée à L’Isle-d’Abeau, le 17 octobre, une vidéo montre un chien, qui se révèle perdu, se dirigeant vers l’un des gendarmes qui s’étaient rendus sur les lieux. Ce dernier semble prendre peur et tire. Là encore, le chien s’était enfui, et la gendarmerie avait été appelée par les riverains. Les hommes en uniforme auraient alors tenté de le neutraliser avec une perche, mais sans succès. Après les coups de feu, un vétérinaire a été appelé en urgence afin d’euthanasier l’animal, encore en vie.

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Une nouvelle fois, cet acte a entraîné de vives réactions, de l’agressivité et des insultes à l’égard de la gendarmerie. La SPA a d’ailleurs fait savoir qu’elle allait porter plainte pour atteinte volontaire à un animal. D’après le parquet de Vienne (Isère), la ville de L’Isle-d’Abeau a, elle, déjà porté plainte pour outrage contre l’auteur de la vidéo postée sur les réseaux sociaux et dans laquelle il insulte les forces de l’ordre, et pour les menaces de mort reçues par ses agents à la suite de la diffusion de ces images.

Contacté par la Fondation 30 Millions d’amis, le propriétaire du chien parle d’une méprise des autorités concernant la prétendue « agressivité » de son chien. En effet, il aurait subi une opération de la mâchoire étant petit. « Depuis, Arkham avait les babines retroussées en permanence, ce qui pouvait malheureusement lui donner ce faux air menaçant. Et à cause de cette malformation, il respirait fort… Face aux policiers, il n’a ni grogné ni montré les dents pour mordre, il avait une attitude tout à fait normale ! », raconte le propriétaire.

Si ces événements sont évidemment regrettables, ils posent la question de la formation de ces unités dédiées à la protection des personnes devant un animal sans maître, qu’il est nécessaire de maîtriser et de capturer. Ces cas, réels, sont-ils abordés tant dans la formation de base que dans des stages prévus au cours de la carrière de ces agents de l’ordre ?

Une grande part d’improvisation

Il faut croire que non, d’après une source policière parisienne, qui confie qu’aucun entraînement n’est prévu pour gérer ces situations. Si des documents concernant la catégorisation des chiens sont transmis aux aspirants policiers et gendarmes durant leur formation, c’est juste à titre d’information. « Les policiers de base ne sont pas formés. Nous n’avons pas de marche à suivre dans le cas où l’on rencontre un animal. Il faut improviser. Le problème, c’est qu’il y a énormément de choses sur lesquelles nous devons être formés, et que les animaux passent très certainement au second plan. Toutefois, il faut savoir que l’on privilégiera toujours la vie humaine à celle de l’animal », détaille le policier qui a préféré conserver l’anonymat. S’imaginant dans une de ces situations, où l’animal serait agressif et passerait à l’attaque, il conçoit que les forces de l’ordre puissent être amenées à tirer. « Mais si c’est un gros molosse, sa musculature est tellement dense que la balle ne pénètre pas comme dans un corps humain, il y a un risque élevé qu’elle n’arrête pas l’animal dans sa course ». Concernant l’appel d’autorités compétentes en renfort, le problème réside dans le temps qu’ils vont mettre à arriver. « En fonction du lieu où est trouvé l’animal, appeler la fourrière ou les pompiers peut prendre bien trop de temps. Il faut agir ».

L’animal considéré comme une arme

Selon le gendarme Jean*, agent de police judiciaire dans une brigade de proximité, que nous avons contacté, les documents qu’ils possèdent sont assez succincts. Ils mentionnent surtout la marche à suivre face à un animal blessé ou mort. « Ce qu’on apprend en école, c’est qu’un chien est considéré comme une arme. Il faut être constamment vigilant, et si l’animal se montre agressif, alors, oui, on peut être amené à tirer. Toutefois, il est conseillé d’utiliser en priorité le taser, malheureusement nous n’en avons tous pas forcément un sur nous ».

« Lorsque les riverains nous contactent pour un chien errant, on appelle la SACPA qui est un service de fourrière privé. Eux sont formés à la capture d’animaux et peuvent lire les puces (pour en connaître l’identité et donc le propriétaire, ndlr) », explique le gendarme Jean. Si c’est un petit chien, ils tenteront de l’attraper eux-mêmes pour le soustraire au danger de la route. « Quand c’est un gros chien et qu’il n’y a pas de risque dans l’immédiat (espace dégagé, champs, pas de riverains), on va préférer attendre la SACPA et prendre le temps de réfléchir à la manière d’agir. Mais si on se trouve dans une zone urbaine, qu’il y a des enfants, que le chien est agressif… Alors, oui, on peut être amené à tirer. Ça dépend vraiment de la situation ».

Par ailleurs, lorsqu’une brigade se déplace sur le lieu où se trouve un animal, beaucoup de paramètres restent inconnus. « Face à un chien, on ne sait pas comment il a été éduqué ou comment il va réagir. Je sais que beaucoup de collègues ont une appréhension face à ça. Par exemple, lors d’un contrôle routier, si un chien se trouve dans la voiture, on va inconsciemment se décaler, car il peut vouloir protéger son maître », raconte le gendarme.

Un manque de connaissances ?

Les pompiers semblent être l’exception à la règle car ils bénéficient d’une formation à la capture des animaux puisqu’ils sont appelés, par définition, à intervenir partout où un danger se présente. « À la base, nous intervenons sur les chiens errants seulement s’il y a danger immédiat, explique Dominique Grandjean, vétérinaire et colonel à la brigade cynotechnique des sapeurs-pompiers de Paris, mais il est vrai qu’un animal en détresse est souvent un animal dangereux. Si le chien a mordu, nous le capturons et il sera placé sous surveillance « animal mordeur » pendant 15 jours ».

Pour capturer les chiens potentiellement dangereux, les pompiers sont équipés de tenues de protection intégrale, de lassos de capture et, si nécessaire, ils peuvent utiliser un fusil hypodermique pour anesthésier de loin l’animal. « Après, la police a ses propres unités de capture de chiens dangereux, mais seulement sur les heures ouvrables, donc c’est vrai que nous, nous devons certainement intervenir un peu plus. Généralement, nous sommes appelés par des particuliers et les services de la municipalité », précise Dominique Grandjean.

« En 30 ans de carrière, bien sûr, j’ai connu des cas où les forces de l’ordre ont tiré sur le chien, mais je pense que c’est un manque d’équipement et de connaissance de l’animal. On ne peut pas dire « C’est bien » ou « C’est pas bien ». Je n’apprécie pas, c’est clair, mais cela peut être un acte de légitime défense. Toutefois, il y a des situations ou cela aurait pu sûrement être évité », conclut le spécialiste…

* Par souci d’anonymat, son nom ne sera pas révélé.

Qu’est-ce que la surveillance « animal mordeur » ?

Durant ce laps de temps, l’animal sera présenté 3 fois à un vétérinaire afin de vérifier qu’il n’est pas porteur de la rage. Le chien est également soumis à une évaluation comportementale qui sera transmise au maire. Enfin, selon le degré de « dangerosité » du chien, estimé par le vétérinaire (sur une échelle de 1 à 4), le maire peut demander au propriétaire de suivre une formation en vue d’obtenir l’attestation d’aptitude à détenir son animal, mentionnée à l’article L. 211-13-1. Dans le cas où l’animal est jugé comme représentant un danger grave et immédiat, le maire peut demander l’euthanasie du chien par un vétérinaire agréé. Dans le cas où le chien n’a pas mordu, il sera remis par les pompiers aux services de police municipale ou nationale, précise Dominique Grandjean. « Eux, ils ont des contrats avec des fourrières privées, comme la SACPA ».

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Publié le 30 octobre 2018
8 minutes
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