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Le mérens, un prince noir en Ariège

Elevé en race pure depuis de nombreuses générations, le mérens est la fierté de la région Occitanie. Symbole des traditions ancestrales, il doit sa prestance à son mode d’élevage, unique en France, fondé sur l’estive et la transhumance.

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Le mérens, un prince noir en Ariège
Franck Lenoir

Chaque année en juin, le cheval rejoint les prairies d’altitude, où il vivra pendant des mois. Farouchement libre ! Franck Lenoir

Telle une fière sentinelle, l’étalon noir domine les pentes escarpées et les vallées secrètes de la montagne ariégeoise. Du haut de son mètre cinquante, il veille sur son troupeau, regroupe ses juments, défend ses poulains… Peut-on imaginer plus beau symbole que ce cheval à la robe de nuit, galopant librement sur les hauts plateaux pyrénéens presque la moitié de l’année ?

Pourtant, nul besoin d’être alpiniste ou poète pour s’émerveiller de cette vision de rêve : il suffit de chausser des chaussures de randonnée (pédestre ou équestre !) et de partir à l’assaut des nombreux GR et autres sentiers qui sillonnent l’Ariège. Depuis plusieurs générations, le mérens est le plus fier emblème de ce département méconnu, l’un des plus beaux et des plus sauvages de France. Le « petit cheval noir » est à l’Occitanie (anciennement région Midi-Pyrénées) ce que le « petit cheval blanc » est à la Camargue : un vivant symbole des traditions ancestrales, farouchement préservées par les éleveurs. Loin de tout folklore, le mérens est avant tout un auxiliaire de la vie pastorale qui règne encore en Ariège…

Franck Lenoir

Un rustique polyvalent

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Elevé en race pure, le mérens a conservé une morphologie rustique façonnée par la vie en montagne : silhouette trapue, membres forts, musculature solide, pieds sûrs, dos « porteur »…  Il est parfaitement adapté aux terrains accidentés et au climat parfois rude des Pyrénées. Cette adéquation entre le mérens et son terroir l’a sauvé de l’extinction : jusque dans les années 1970, le mérens était utilisé comme cheval de trait léger. La motorisation agricole aurait pu avoir raison de la race, si des passionnés n’avaient su mettre en valeur sa rusticité. Au lieu de l’orienter vers le marché de la boucherie, comme tant de producteurs de chevaux de trait devenus inutiles (comtois, bretons, percherons…),  les éleveurs de mérens l’ont reconverti vers l’équitation de loisir et l’attelage sportif. Ils lui ont donné de nouvelles missions, liées au tourisme rural et pastoral : randonnée équestre montée ou attelée, débardage, transhumance… Une reconversion que seule pouvait mener à bien une espèce locale, sélectionnée sur sa parfaite connaissance du milieu naturel où il naît, grandit et se reproduit.

Un montagnard

Le mérens ne représente que 2% du total des naissances de races françaises de chevaux de selle. En 2016, seulement 240 poulains ont été enregistrés auprès du Sire (l’équivalent équin du LOF pour les chiens et du LOOF pour les chats de race).  Mais le livre généalogique du mérens n’a pas à rougir de ses petits effectifs, tant le cheval ariégeois a gagné ses lettres de noblesse au-delà de son berceau de race. L’élevage s’est étendu à d’autres régions de France, et a conquis plusieurs pays comme l’Italie, la Suisse, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, la République tchèque… Plus grand qu’un poney, plus petit qu’un cheval de selle, plus léger qu’un cheval de trait… le mérens est un « petit cheval » polyvalent, aussi bien adapté aux adultes qu’aux enfants. Sa troublante ressemblance morphologique avec les figurations pariétales de la grotte de Niaux, datant de l’époque magdalénienne (13 000 ans), laisse à penser que sa présence en Ariège date de la nuit des temps… Quant à sa robe noire zain, sans aucun poil blanc, elle est la seule admise au standard – une spécificité que l’on ne retrouve dans aucune autre race française !

Franck Lenoir

Le respect des valeurs et des traditions

Les éleveurs de chevaux de mérens n’en sont pas peu fiers : au 21e siècle, ils restent les seuls à perpétuer la tradition ancestrale de la transhumance afin d’offrir à leurs animaux les bienfaits de l’estive. Chaque année au printemps, les troupeaux quittent donc la vallée pour rejoindre les prairies d’altitude. Ils n’en redescendront qu’à l’automne, après de longs mois de vie libre et quasi sauvage : « Contrairement aux brebis et aux vaches, un cheval ne se garde pas, explique Anaïs Battistella, éleveuse et guide de tourisme équestre des « Crinières Noires », au pied du plateau de Beilles. Les vachers, bergers ou éleveurs y jettent un œil de temps à autre, mais nos mérens se gèrent tout seuls. En confiant nos animaux à la montagne, nous perpétuons nos valeurs, comme la volonté d’entretenir la montagne ou de conserver certaines espèces. La transhumance, c’est le choix du bien-être et de la liberté pour nos animaux… et c’est aussi le risque de ne pas les voir redescendre ». En effet, certains chevaux ne survivent pas à l’estive : « Il arrive qu’un poulain se noie dans une « mouillère », qu’un cheval « déroche » dans le vide, soit foudroyé… Et puis il y a des prédateurs : les vautours, les loups et surtout les ours, qui poussent aujourd’hui certains éleveurs à renoncer à l’estive ». Un risque assumé : « En contrepartie, tous les chevaux qui ont survécu constituent le meilleur de la race, explique Anaïs, les mères ont appris à leurs poulains à survivre en milieu hostile, trouver les sources, éviter les mauvaises plantes, poser le pied au bon endroit… Ce mode d’élevage naturel reste le meilleur qui soit ».

Franck Lenoir

A l’assaut de la Réunion 

Qui l’eût cru ? L’île de la Réunion, où il caracole depuis 1983, est l’une des régions de France où vous avez le plus de chances d’en voir. Dans les années 1990, son importation s’intensifia pour permettre au tourisme équestre de croître et constituer un noyau d’élevage. L’Etat français mit la main à la poche et alla jusqu’à offrir cinq étalons des Haras nationaux. Grâce à l’Office national des forêts et à la Maison de la montagne, de nombreuses pistes cavalières furent tracées et balisées. Caractère doux, robustesse… le mérens s’avéra vite idéal, tant pour l’initiation que pour la randonnée. Depuis, il s’est bien adapté à son nouveau milieu. Certains éleveurs affirment qu’il a développé des vibrisses plus épaisses à force de consommer des plantes locales épineuses. Le prince de l’Ariège est encore majoritaire dans les centres équestres – même si d’autres races sont arrivées –, mais des croisements ont été faits, au grand dam des puristes, qui regrettent qu’on parle plus souvent du « petit noir » que du « mérens »…

Franck Lenoir 

Le GR10 à dos de mérens

Bien connu du monde équestre, Stéphane Bigo a sillonné à cheval de nombreux continents. En 1997, il décide de traverser les Pyrénées, soit 1000 kilomètres de l’Atlantique à la Méditerranée par le GR 10. Trente ans après, le grand cavalier-voyageur n’a rien oublié de Velours de Sié, son mérens âgé d’une dizaine d’années prêté par un éleveur de l’association Sherpa : « Mon ami Claude Carsy avait choisi une jument pottok, autre race pyrénéenne, car nous voulions mettre les races locales en valeur, raconte-t-il. Nous avions aussi une mule de bât espagnole. Velours était un mérens un peu atypique, plus grand, très puissant mais très souple. Je me souviens encore de son aisance pour sauter de pied ferme des contre-hauts d’un mètre ! Il a été une monture idéale pour notre chevauchée, qui a duré un mois et demi ».

Pour en savoir plus :
Association SHERPA France
32 av. du général de Gaulle
09000 Foix.
Tél : 05 61 02 14 00.

www.chevaldemerens.com

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