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Pourquoi faut-il s’inquiéter de l’important déclin des insectes ?

En 30 ans, entre 75 et 80 % des insectes ont disparu en Europe selon les estimations des chercheurs. Une véritable hécatombe qui serait notamment liée à l’utilisation massive des pesticides, et qui pourrait bien être le prélude à une « catastrophe écologique majeure ».

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Pourquoi faut-il s’inquiéter de l’important déclin des insectes ?
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Pour la première fois, une étude scientifique de grande ampleur a pu être menée en Europe sur les insectes volants sauvages. Et les résultats obtenus ont fait l’effet d’une bombe : en 30 ans, la population d’insectes a diminué d’environ 80 %. L’étude a été publiée dans la revue PLOS One en octobre dernier. Les chercheurs qui en sont à l’origine ont pu effectuer leurs analyses à partir de captures d’insectes réalisées depuis 1989 dans une soixantaine de zones protégées en Allemagne. Selon eux, ce déclin est probablement représentatif de ce qu’il se passe dans une grande partie de l’Europe. « La diminution de la biomasse des insectes ailés est suspectée depuis longtemps mais s’est révélée plus sévère qu’on ne le pensait », a commenté Caspar Hallmann, l’un des entomologistes ayant participé à cette étude.

Les néonicotinoïdes « tueurs d’abeilles »

Différents facteurs, comme la température des sols, peuvent en partie expliquer les fluctuations de la masse d’insectes d’une année sur l’autre. Cependant, cet important déclin, sur une période d’une trentaine d’années à peine, serait principalement dû à l’agriculture intensive et à l’utilisation de pesticides. Une famille de produits est particulièrement critiquée à cet égard, et jugée extrêmement néfaste pour des pollinisateurs comme les abeilles. Il s’agit des néonicotinoïdes, dont l’une des caractéristiques est d’agir directement sur le système nerveux central des insectes, ce qui les rend très « efficaces ». Ils possèdent en outre des propriétés systémiques, c’est-à-dire qu’une fois appliqués, ils sont absorbés par la plante pour être transportés vers tous ses tissus : feuilles, fleurs, tiges mais aussi le pollen et le nectar. Ils ont de plus la capacité de rester actifs dans le sol ou dans la plante pendant de longues périodes, ce qui permet d’assurer la protection des plantations tout au long de la saison, jusqu’à la récolte.

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Toutes ces propriétés, très intéressantes du point de vue de la protection des plantations agricoles, ont également des effets extrêmement nocifs sur les écosystèmes, car elles finissent par atteindre des populations d’êtres vivants qui ne sont initialement pas ciblés, comme les invertébrés. Selon une étude publiée le 5 octobre 2017, des traces de pesticides néonicotinoïdes ont été retrouvées dans les trois quarts des miels testés à l’échelle mondiale, ce que montre bien, en filigrane, la contamination des abeilles… 

Des dizaines de milliers d’espèces d’insectes touchées

Face aux dangers représentés par les néonicotinoïdes pour la biodiversité, ces produits sont en voie d’interdiction à l’échelle européenne. En France, la nouvelle loi pour la reconquête de la biodiversité bannit ces pesticides dès 2018, même si des dérogations demeurent possibles jusqu’en 2020. Mais l’usage des pesticides à grande échelle n’est pas pour autant en train de disparaître. En octobre dernier, plusieurs associations, dont la LPO et l’Office pour les insectes et leur environnement (OPIE), ont tiré la sonnette d’alarme face à une décision de l’Anses,  l’Agence nationale de sécurité sanitaire, autorisant la mise sur le marché français de deux insecticides (fabriqués par Dow AgroSciences), à savoir le Closer et le Transform. Ces deux produits ont pour principe actif le sulfoxaflor. Problème, le sulfoxaflor possède les mêmes caractéristiques que les néonicotinoïdes, ce qui le rend tout aussi néfaste pour les abeilles et l’ensemble des insectes pollinisateurs. Face aux nombreuses oppositions, le gouvernement a demandé à l’Anses de réexaminer le dossier du sulfoxaflor d’ici trois mois, mais les associations restent en alerte. 

Aujourd’hui, on estime que le taux de mortalité des abeilles s’élève à 30 % par an, contre 5 % environ il y a une vingtaine d’années. Les causes de cette mortalité seraient cependant multiples et ne pourraient être uniquement imputées aux pesticides : dérèglements climatiques, nouveaux virus ou bien encore disparition des habitats naturels sont autant de facteurs qui entreraient en jeu. Au-delà des abeilles, dont on peut mesurer le déclin via l’activité apicole, ce sont également des dizaines de milliers d’insectes qui sont menacés, dont on ne soupçonne pas toujours l’incroyable diversité. « Il y a environ 10 000 espèces d’insectes pollinisateurs en France, rapporte Mathieu de Flores de l’OPIE, et plus de 35 000 espèces d’insectes au total ».

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Des services à plusieurs milliards d’euros… rendus gratuitement

Ces invertébrés jouent des rôles différents et essentiels. Il y a bien sûr le rôle de pollinisateur, qui n’est pas uniquement assuré par les abeilles. « La diminution de 80 % de la population d’insectes peut avoir des impacts sur notre production de fruits et légumes. Toute la chaîne alimentaire est touchée. C’est le prélude à une véritable catastrophe écologique majeure », met en garde Mathieu de Flores. 

Les insectes assurent également « la décomposition des matières mortes et fécales et de la séquestration, dans les sols sous forme d’humus, du carbone, c’est-à-dire un retour au carbonifère », détaillent par ailleurs la LPO, l’OPIE et trois autres associations de défense de la nature*. Autant d’aides fournies « gratuitement » et qui se chiffreraient, s’il fallait les évaluer, à des milliards d’euros. Comme le rappelle un article du Monde paru fin octobre, « les services écosystémiques fournis par les insectes sauvages ont été estimés à 57 milliards de dollards (49 milliards d’euros) par an aux États-Unis »…

Il faut repenser notre rapport aux insectes

Au-delà des services rendus aux humains, les insectes servent aussi de nourriture à nombre de mammifères insectivores, aujourd’hui également menacés en France. Dans un communiqué publié en réaction à la mise à jour de la liste rouge nationale de l’UICN, la LPO rappelle que des mammifères insectivores, comme les musaraignes (la crocidure leucode) ou les chauves-souris (la pipistrelle commune) sont aujourd’hui en régression à l’échelle nationale et classées « quasi menacées » notamment à cause de la réduction de leurs ressources alimentaires.

Pour Mathieu de Flores, « nous devons revoir notre modèle agricole global en réussissant une transition vers un modèle plus raisonné dans lequel on cultive un peu plus en accord avec la nature ». Au-delà de notre système d’agriculture intensive, c’est aussi tout « notre rapport aux insectes qui doit changer » afin de cesser de vouloir en supprimer toute trace, et de comprendre le rôle fondamental qu’ils jouent dans la préservation de notre équilibre.

* Communiqué publié conjointement par la LPO, l’OPIE (Office pour les insectes et leur environnement), l’Aspas, la SNPN (Société nationale de protection de la nature), et France Nature Environnement, le vendredi 20 octobre 2017. 

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Publié le 20 novembre 2017
6 minutes
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