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Nos animaux ont-ils le sens de la compétition?

Que le meilleur gagne! Pour obtenir ce qu’ils veulent, nos chiens et nos chats n’hésitent pas à s’opposer, parfois violemment. Mais si c’est plus rentable, ils peuvent aussi choisir d’unir leurs forces.

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Nos animaux ont-ils le sens de la compétition?
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 » Allez, allez, allez ! » Sur les pistes enneigées des Alpes, les alaskan huskies s’élancent à toute vitesse encouragés par le conducteur de traîneau. Pour le musher qui participe à la course de vitesse de la Lekkarod, le désir de gagner est manifeste. Peut-on en dire autant de ses chiens ? Le sens de la compétition existe-t-il aussi chez nos animaux de compagnie ?

À cette question, Dominique Grandjean, créateur de cette épreuve sportive et vétérinaire en chef à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, répond : « Un chien a toujours envie de courir plus vite parce qu’il aime ça. La sensation de tracter quelque chose amplifie son bonheur tout comme les endorphines que son cerveau produit pendant l’effort. Chez les chiens nordiques, c’est l’instinct de chasseur à vue qui s’exprime. S’ils voient un traîneau devant, ils n’ont qu’une idée : le rattraper. C’est inné. Quant au fait de le dépasser et de maintenir le rythme ensuite, cela s’acquiert à l’entraînement ».

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Finalement, ce désir de performance est très similaire à celui ressenti par un marathonien. « À la différence près que, chez le chien, le but n’est pas de franchir en premier la ligne d’arrivée. C’est le plaisir qu’il en tire qui le motive », nuance l’expert.

L’objectif à atteindre, justement, est une notion clé quand on aborde le sujet de la compétition dans le règne animal. « Dans le monde ­sauvage, la finalité ultime de la compétition est de transmettre ses gènes. Les animaux entrent en concurrence pour accéder aux ressources vitales que sont la nourriture, l’espace et les partenaires sexuels. Celui qui gagne mangera mieux, aura plus d’énergie pour conserver son territoire et sera plus attirant sexuellement », résume Serge Aron, direc­teur de recherche en écologie comportementale au FNRS en Belgique (l’équivalent du Centre national de recherche scientifique en France). Peut-on en dire autant de nos animaux de compagnie ? Ou la domestication a-t-elle endormi ces besoins primaires ?

Compétition à domicile

Une étude américaine menée au sein de l’école vétérinaire de Grafton, dans l’État du Massachusetts, nous apporte des réponses sur la compétition entre chiens vivant dans un même foyer. Trente-huit familles ont été interrogées, chacune d’elle possédait au moins deux chiens qui s’étaient déjà battus entre eux. Les constatations de Kathryn Wrubel, Alice Moon-Fanelli, Louise Maranda et Nicholas Dodman ont permis d’identifier les facteurs qui déclenchent les bagarres, ou au moins des signaux menaçants (grognements, babines retroussées, poils hérissés). En première position : la recherche d’attention du maître, à l’origine de près de la moitié des conflits répertoriés (46 %). Alors qu’en l’absence de leur propriétaire, les chiens cohabitent harmonieusement, ils entrent en concurrence dès le retour du principal intéressé pour obtenir un regard, des caresses ou des paroles amicales. « Ces combats peuvent être très intenses parce que le maître est associé à une ressource de grande valeur. Les chiens qui souffrent d’anxiété de séparation sont plus susceptibles de développer ces ­comportements », indiquent les chercheurs. La nour­riture est aussi un enjeu majeur, citée dans 46 % des altercations, parfois conjointement à la recherche d’attention, ce qui explique que le total des pourcentages soit supérieur à 100 %. Enfin, 26 % des duels concernent l’appropriation d’un jouet.
Lorsqu’elle s’exprime par l’agressivité, la compétition n’est pas souhaitable. C’est pourquoi il est nécessaire d’apprendre à son animal à partager dès son plus jeune âge. En adoptant un système d’éducation qui encourage et récompense le partage des ressources, on peut lui apprendre que « partager, c’est gagner ». Et il n’est jamais trop tard pour bien faire. Dans le cas de l’étude, où la situation a déjà dégénéré, des mesures éducatives basées sur la récompense des bons comportements ont permis de réduire considérablement les conflits.

Miaou, moi d’abord !

Et entre chats, comment ça se passe ? Anne-Claire Gagnon, vétérinaire et auteur de Un Chat sur le divan (Éditions Larousse), nous explique : « Ils peuvent aussi se disputer l’affection de leur maître. Par exemple, nous sommes en train de caresser un chat et un autre vient ­s’interposer pour être dorloté. Autre enjeu de rivalité : les lieux de repos. Le rebord de la fenêtre ensoleillé, la couverture douillette ou le poste d’observation en hauteur sont généralement les plus prisés. Dans ce cas, c’est souvent la règle du premier arrivé, premier servi qui s’applique. »

Rapporté à des concepts éthologiques, ce comportement correspond à un type de compétition qualifiée d’indirecte. « Des individus qui ne se rencontrent pas mais qui ne laissent rien aux autres », précise Serge Aron. N’allons pas en conclure que la confrontation di­recte n’existe pas chez les petits félins. « Quand une ­femelle est en chaleur, les mâles non castrés, sous l’effet de la testostérone, entrent en concurrence pour obtenir ses faveurs. C’est très sonore mais il y a une grande part de bluff. Souvent, celui qui abdique se contente de reculer sans qu’aucun coup de griffes n’ait été échangé », précise Anne-Claire Gagnon.

Engager un combat représente, en effet, des risques de blessures qui peuvent entraver la capacité à chasser et donc à survivre. Les chiens correctement socialisés ont aussi développé des signaux d’intimidation qui permettent de vaincre sans péril. S’ils se battent, ils privilégient un type de combat dit « ritualisé », sans effusion de sang. Un peu comme sur un tatami, les adversaires mettent à l’épreuve leur puissance. Le vainqueur est généralement celui qui aura réussi à faire basculer son adversaire sur le dos.

Pour autant, l’autre n’est pas toujours considéré comme un obstacle. Parfois, les animaux décident d’unir leurs forces. « Si c’est plus rentable, ils choisiront de coopérer. De nombreux exemples existent dans la vie sauvage à l’image des oiseaux migrateurs, explique Michel Kreutzer, professeur émérite au sein du laboratoire d’éthologie de l’université Paris Ouest Nanterre. Ils se volent dans les plumes pour un ter­ritoire ou une femelle mais, au moment d’entamer la migration, ils sont solidaires. »

L’union fait la force

En 2015, les chercheurs du département de zoologie de l’université d’Oxford (Angleterre) ont ainsi démontré que si les ibis changeaient de place régulièrement lorsqu’ils volaient sur de longues distances, c’était pour alterner les positions les plus fatigantes. Comme dans les courses cyclistes, celui qui est en tête doit fournir plus d’efforts tandis que ceux qui sont derrière sont protégés du vent. En se relayant, ils limitent le risque de mort par épuisement, très fréquente (35 % des jeunes ne survivent pas à leur premier voyage). Les chiens et les chats ont aussi la capacité de s’entraider. Les groupes d’animaux errants ont permis aux scientifiques d’analyser ces systèmes de coopération à grande échelle.
Citons les chats des rues de Rome, étudiés par Eugenia Natoli, qui se partagent les tâches d’élevage et de chasse. Certaines femelles gardent l’ensemble des chatons, comme dans une crèche, tandis que d’autres partent chercher à manger. En Inde, les meutes de chiens errants fonctionnent de la même manière. Manabi Paul et Anindita Bhadra les ont suivis pendant cinq ans et ont démontré que les mâles et les femelles prenaient soin de tous les chiots du groupe sans traitement de faveur.

Du « chacun pour soi » au « tous pour un », l’essentiel est d’arriver à ses fins. Privilégier l’option gagnante, c’est faire preuve d’une certaine capacité de réflexion même si l’on refuse encore de prêter des intentions aux animaux. Et pourtant, plus la recherche avance, plus elle nous éclaire sur l’étendue de leurs capacités cognitives, autrement dit de leur intelligence.

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