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Le paradis des rescapés

Échappé du camion qui le transportait, le cochon Rosette a été trouvé sur un parking et coule désormais des jours heureux dans une ferme de la Meuse : un refuge pour les animaux d’élevage maltraités.

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Le paradis  des rescapés
Arnaud Beinat

C’est d’abord l’histoire d’un évadé, d’un miraculé. Un beau jour de 2011, du côté de Besançon, il est seul, errant sur le parking d’un relais routier. Comment ce petit porcelet a-t-il réussi à sortir du camion qui l’emmenait probablement vers un élevage d’engraissement ? Mystère.

Âgé d’environ six semaines, il est castré et on le prend d’abord pour une femelle, d’où son nom : Rosette. Signe particulier : il a la queue coupée, preuve quasi certaine qu’il vient d’un élevage intensif où les cochons grandissent sur des caillebotis. Sans possibilité de retourner la terre – leur occupation favorite – à la recherche de toutes curiosités, ces animaux encagés développent des comportements anormaux et parfois agressifs, dont la manifestation la plus courante est de se manger mutuellement la queue. On la leur coupe pour éviter les blessures trop importantes. « Le restaurateur qui l’a trouvé ne savait qu’en faire et nous a contactés », explique Jessica Manichon, la responsable de la Hardonnerie, une grande ferme située dans le village meusien de Vauquois. Éthologue de formation, la jeune femme a d’abord travaillé dans un parc zoologique avant de s’intéresser aux oubliés comme Rosette. Le genre d’animal dont le public ne raffole pas vraiment : « Son tatouage était illisible. Malgré toutes les démarches faites pour retrouver son propriétaire ou refaire sa traçabilité, il était impossible de remettre Rosette dans le circuit de l’alimentation. Nous l’avons recueilli. C’est ainsi qu’il est arrivé chez nous ».

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Après l’approbation des services vétérinaires et l’obtention obligatoire d’un numéro d’éleveur, Rosette, promis à l’enfer, se retrouve au paradis, en l’occurrence la jolie ferme dirigée par Jessica. La Hardonnerie est une propriété de Welfarm-Protection mondiale des animaux de ferme, l’association née en 1994 et dirigée par son cofondateur : Ghislain Zuccolo. Son but est d’œuvrer pour une meilleure prise en compte du bien-être des animaux d’élevage.

Sensibiliser au bien-être

Welfarm, dont le siège est à Metz, compte une vingtaine de salariés dont quatre sont en poste à la Hardonnerie. Ces passionnés agissent sur toutes les étapes de l’élevage : de la naissance à la mise à mort en abattoir et même… jusqu’à la distribution des produits. « Nous essayons d’intervenir partout où il y a moyen de sensibiliser les gens au bien-être des animaux d’élevage, ajoute Jessica.  L’association agit aussi dans le domaine législatif ou éducatif. Nous intervenons dans les écoles, les petites comme les grandes. Nous tenons régulièrement des stands sur des problématiques particulières : comment choisir des œufs qui proviennent d’élevages de plein air ?, etc. »

L’équipe de Welfarm compte des ingénieurs agronomes qui travaillent directement avec les professionnels. « Attention : nous ne sommes pas là pour placer des caméras cachées mais pour valoriser les élevages respectueux des animaux et pour aider les consommateurs dans leurs actes d’achat. Si l’on ne peut pas être d’accord avec tout, nous sommes prêts à discuter avec les éleveurs industriels, pour peu qu’ils soient ouverts au bien-être de leurs animaux. Quant aux cas de maltraitance, nous offrons une réponse aux demandes de placements, mais nous ne sommes jamais les initiateurs des saisies. » C’est l’exemple des agneaux récemment arrivés, en provenance d’un élevage ardennais illégal. Très peu nourries, les bêtes n’étaient pas immatriculées, n’avaient pas de suivi sanitaire, leurs onglons n’étaient pas parés, etc. C’est une conseillère municipale du village qui organisa la saisie après s’être assurée que la Hardonnerie pouvait les accueillir.

C’est la découverte du refuge d’une association américaine qui a donné à Ghislain Zuccolo l’idée de créer une structure similaire en France. Fruit du soutien de ses donateurs et des associations partenaires (dont la Fondation 30 Millions d’Amis), la ferme a ouvert ses portes en 2011, au pied de la Butte de Vauquois, impressionnant haut lieu de la Grande Guerre où des milliers d’autres sacrifiés – humains, cette fois – ont laissé leur vie.

44 hectares de tranquillité

La Hardonnerie a une double mission : le recueil des animaux et l’éducation du public, au travers de visites. Au contraire des fermes pédagogiques, elle ne fait pas de production. « Ce qui m’a amenée ici, poursuit Jessica, c’est de pouvoir parler d’un animal d’élevage sans que les gens détournent le regard. Recentrer le discours sur l’animal lui-même : qui il est, ses compétences, ce qu’il est capable de faire…» Sans le savoir, Rosette se retrouve ainsi ambassadeur de ses congénères. Âgé de 4 ans, c’est aujourd’hui une bête imposante de plus de 200 kilos. Ses journées se passent plutôt paisiblement dans l’un des enclos d’une ferme dont la surface totale atteint les 44 hectares. Un porc laineux dénommé Oscar lui tient compagnie. Autre chanceux, Oscar fut le gros lot d’une foire, remporté par une amoureuse des animaux qui ne savait qu’en faire, mais ne voulait surtout pas le redonner à quelqu’un qui l’aurait mangé.

Les premières nuits à la ferme, Oscar pleurait son ancienne maîtresse, mais après de prudentes présentations, les deux porcs s’entendent aujourd’hui parfaitement. Terre à retourner, mare de boue où ils prennent des bains à volonté, les deux compères vivent leur vie, n’étant soumis qu’aux horaires des trois repas journaliers préparés par Hélène Marquette, soigneuse au profil atypique qui travailla d’abord dans l’enseignement et la communication en France et au Canada, avant de trouver sa voie au service des animaux.« Mais pas question qu’ils grossissent de trop, précise Jessica. Nous avons une mission éducative et nous sommes soumis à l’exemplarité. De même, les installations ne seront pas saturées par les animaux. Les espaces de piétinement, de pâturage, etc., doivent demeurer une vitrine de ce qui devrait se faire en matière de bien-être animal. »

Une vie de cochon

Si l’on compte les trente poules en passe d’arriver, la ferme de la Hardonnerie accueille actuellement 120 pensionnaires. On y trouve des chèvres, des oies, des canards, des moutons… Mais pas de vaches ou de chevaux. La ferme ne dispose tout simplement pas, pour l’instant, d’infrastructures adéquates.
Après de longues années passées en tant que dominant, Oscar a laissé la première place à Rosette qui impose aujourd’hui son autorité, mangeant en premier ou prenant la première place pour les caresses que leur prodiguent parfois les deux jeunes femmes. Pas trop souvent toutefois, car il s’agit de leur faire vivre une vie de cochon et non pas d’animal de compagnie.

Oscar et Rosette ne vont pas se plaindre. Après tout, ils reviennent de très loin…

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