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Abattoir : vers un délit de maltraitance à animaux

Ce mardi 5 avril, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a révélé les 20 mesures du plan du gouvernement pour le bien-être animal. Ce plan fait suite aux images choquantes tournées dans un troisième abattoir français montrant des maltraitances envers les animaux de boucherie.

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Abattoir : vers un délit de maltraitance à animaux
Fotolia

À l’issue du Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV) qui s’est tenu mardi 5 avril, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a annoncé dans une conférence de presse son intention de « créer un délit de maltraitance » aux animaux, assorti de « sanctions pénales » dans la loi Sapin, relevant ainsi la répression de certaines pratiques dénoncées ces derniers mois.

Les mauvais traitements envers les animaux ne figurent actuellement que dans le Code rural (article L. 214), mais pas dans le Code pénal qui, lui, prévoit des sanctions.

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Le ministre a insisté sur le partage de responsabilités entre l’État et les autres acteurs de la chaîne, notamment les exploitants d’abattoirs, objets de plusieurs scandales ces derniers mois. « Aujourd’hui, un exploitant d’abattoir n’est pas responsable directement d’un acte qui serait commis par un de ses salariés. Cela va changer au niveau des textes. Il y aura un délit qui sera créé pour un responsable d’établissement [où il y] aura eu des actes de maltraitance », a ajouté le patron de la direction générale de l’Alimentation (DGAL), Patrick Dehaumont.

M. Le Foll a rappelé que l’Etat avait une responsabilité « pour le suivi de ce qui se passe dans les abattoirs », mais souligné que ce plan ne marcherait « pas si la responsabilité au sein des abattoirs n'[était] pas elle aussi engagée ». Il a, lors de cette conférence de presse, confirmé son intention de mettre en place un référent bien-être animal dans chaque abattoir.

Afin de protéger les salariés d’abattoir qui dénonceraient une maltraitance dans leur entreprise, le ministre a également programmé, d’ici à l’été, un décret leur donnant le statut de lanceurs d’alerte.

Parmi les autres priorités du plan pour le bien-être animal présenté lors de cette conférence de presse, le ministre a annoncé la mise en place d’un centre national de référence sur le bien-être animal d’ici à fin 2016, dont le principe avait été acté par la loi d’avenir, ainsi que le financement de la recherche et de l’innovation.

Le plan prévoit également un soutien public d’environ 4,3 millions d’euros pour le développement d’une méthode, aujourd’hui expérimentale, de sexage des embryons dans l’œuf (déjà utilisé en Allemagne) afin de mettre un terme au broyage des poussins mâles non retenus par l’industrie.

Le CIWF France qualifie de décevantes les propositions du gouvernement

Si le CIWF France, qui a participé aux réflexions et groupes de travail en tant que membre du CNOPSAV, salue la volonté du ministère d’affirmer l’importance du bien-être animal par la mise en place d’une stratégie dédiée, l’organisation juge plutôt décevants les engagements du plan d’action. L’association qui milite contre l’élevage industriel et ses dérives reconnaît que la France affirme enfin l’importance du bien-être animal en actant le principe d’une Stratégie française en la matière, mais que le contenu et la portée du texte sont décevants et manquent d’ambition, notamment parce que ce « plan d’action consiste en grande partie à identifier l’existant, faire des états des lieux et recensements. Une étape nécessaire mais insuffisante pour garantir une évolution des pratiques ».

Elle justifie sa position en précisant que dans les abattoirs, la présence d’un responsable de la protection animale est déjà obligatoire depuis le 1er janvier 2013. Celle-ci sera juste étendue aux petits abattoirs. De plus, elle estime que le ministre ne mettra pas les moyens suffisants pour assurer des contrôles systématiques au poste d’abattage. Aucune décision non plus sur l’instauration d’une vidéosurveillance, comme demandé par les associations.

Elle regrette aussi qu’il n’y ait pas dans ce plan de réglementation pour les espèces non soumises à règlementation spécifique, comme les vaches laitières ou les lapins. La Stratégie propose tout au plus de définir des guides de bonnes pratiques.

Aucune proposition n’est faite non plus pour encourager les modes d’élevages moins intensifs, en les valorisant auprès des consommateurs, par exemple avec un étiquetage obligatoire du mode d’élevage. En France, la grande majorité des élevages sont intensifs et les consommateurs l’ignorent. 

Agathe Gignoux, chargée d’affaires publiques, indique : « Nous regrettons que ce plan définisse peu d’actions précises accompagnées d’indicateurs de résultats et de calendrier prévisionnel pour une amélioration rapide des pratiques. La France n’est pas le meilleur élève en Europe quand il s’agit d’appliquer ne serait-ce que la règlementation existante en matière de bien-être animal. Les freins sont nombreux, et nous avons besoin d’une volonté politique forte pour les faire tomber ».

En ce qui concerne la mise en œuvre de la règlementation déjà en vigueur, comme l’enrichissement du milieu ou les mutilations (coupe des queues dans les élevages de porcs, castration à vif), le plan d’action est trop vague, se cantonnant à identifier les pratiques systématiques et les facteurs de risques ou à étudier les pistes zootechniques alternatives. 

CIWF France poursuit en indiquant que « la recherche et la pratique, notamment dans d’autres pays européens, ont permis, depuis de nombreuses années déjà, d’identifier les alternatives efficaces à certaines mutilations. Il faut désormais pousser leur mise en place, et notamment proposer des financements incitatifs, comme le font d’autres pays ; l’Allemagne, par exemple, offre une prime pour chaque cochon non mutilé ». 

« Il est décevant que le ministre refuse de reconnaître des problèmes de bien-être animal inhérents aux productions intensives, indique le communiqué de presse de l’organisation, et cette Stratégie ne propose aucune mesure pour favoriser les élevages « alternatifs », qui présentent un potentiel de bien-être animal élevé. Nous avons porté plusieurs propositions, comme celle de l’étiquetage obligatoire du mode d’élevage, sans que cela soit retenu par le ministère ».

Les points positifs relevés par CIWF

  • Création d’un Centre national de référence, qui avait été acté dans la loi d’avenir agricole bien qu’elle attende encore les modalités de fonctionnement et de constitution de cette structure, dont les membres doivent être impartiaux et indépendants.

  • Abattoirs : Les associations demandent à ce que le responsable de la protection animale soit lui-même protégé, comme peut l’être un délégué syndical. Le ministre affirme vouloir lui donner pour cela le titre de lanceur d’alerte. À suivre.

  • Amélioration de la formation initiale et continue au bien-être animal grâce à une plateforme dédiée au sein du Centre national de référence.

  • Annonce d’un soutien financier important pour développer une alternative à l’élimination des poussins mâles, par le sexage in ovo et plus généralement une ambition de mieux encadrer les mises à mort en élevage.

  • Intégration du bien-être animal dans les plans Agriculture et Innovation 2025 et Innov’action – des financements sont attendus sur des pratiques réellement exigeantes en matière de bien-être animal, au-delà des standards minimaux, ce qui n’est pas précisé. 

La CNSPA de France se retire des instances nationales de réflexion

De son côté, la Confédération nationale des SPA de France parle d’un « enfumage massif » à propos de la décision du ministre de l’Agriculture de faire procéder à des inspections dans les abattoirs et à la mise en place d’un représentant de la protection animale dans chaque abattoir. Pour Jean-Pierre Begnatborde, président de la CNSPA de France, « Il n’y a aucune raison objective pour que cette annonce, à la rapidité au demeurant plus qu’étonnante, puisse être sérieusement envisagée comme la solution à tous les maux, pas plus que, si tant est qu’un acte quelconque succède aux mots, elle ne ferait évoluer quoi que ce soit. » L’association réclame la mise en place « d’outils plus sérieux qui permettront réellement aux ONG et aux citoyens d’exercer un droit de regard, et en particulier la mise à disposition publique des rapports d’inspection et des mises en demeure rédigées par les services vétérinaires à l’encontre des abattoirs depuis 5 ans ; un accès libre et inopiné aux abattoirs pour les associations de défense des animaux ; la pose de caméras sur les postes de déchargement, d’attente, d’amenée et d’abattage des animaux avec un accès libre des associations aux images ; la liberté de diffuser les informations ainsi obtenues dans le respect des règles de protection de la vie privée. »

Sans ces avancées qu’elle juge nécessaires, la CNSPA de France indique qu’elle « ne siégera plus au sein des instances ministérielles de décision et de concertation ».

La SPA demande au gouvernement d’entendre les associations sur la vidéosurveillance

La SPA, dans son communiqué de presse du jeudi 7 avril, indique que si elle accueille avec « un optimisme raisonnable » les mesures du plan gouvernemental, elle regrette que le ministre « ait balayé d’un revers de main la mise en place de la vidéosurveillance dans les zones d’abattage ». Pour l’associaition, c’est la seule manière efficace de prévenir les dérives illégales et cruelles dénoncées dans les vidéos tournées en caméra cachée par l’associaition L214. La vidéo est aussi la seule preuve de la responsabilité des actes commis envers les animaux. « Plus encore, poursuit le communiqué de presse, M. Le Foll devrait comprendre que la vidéo surveillance est l’unique moyen d’accompagner l’action des quelques salariés qui oseraient dénoncer les actes de cruauté. Cela leur permettrait de s’affranchir de la pression exercée par les autres salariés et par leur employeur : la preuve par l’image serait un argument de poids dans l’accomplissement de leur mission. »

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