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Le chat est-il complètement apprivoisé?

Sans l’homme, il se débrouille très bien. Ce qui fait dire à certains qu’il n’est peut-être pas complètement domestiqué. Et si les généticiens leur donnaient raison ?

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Le chat est-il  complètement apprivoisé?
Shutterstock

« Les chats, contrairement aux chiens, ne sont en réalité qu’à moitié domestiqués. » C’est Wesley Warren, professeur en génétique à l’université Washington de Saint-Louis, Missouri (états-Unis), qui l’affirme sur la base d’une étude qu’il a publiée en octobre 2014.

Son travail a consisté, en partenariat avec d’autres scientifiques, à séquencer, analyser et comparer le génome de chats sauvages avec celui de chats domestiques. Ils ont découvert que les gènes qui diffèrent d’une espèce à l’autre sont ceux qui ont une influence sur des comportements comme la mémoire, la réponse conditionnée à la peur et l’apprentissage stimulé par la récompense. Pour Wesley Warren et son équipe, cette dernière clé est essentielle dans le long processus de domestication du chat qui a commencé il y a environ 9 500 ans.

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C’est à cette époque, alors que les hommes du Moyen-Orient se ­sédentarisaient en maîtrisant l’agriculture, que les chats sont entrés en contact avec notre espèce.

Selon le chercheur, « l’hypothèse la plus probable est que les êtres humains ont accueilli les chats car ceux-ci contrôlaient les populations de rongeurs qui consommaient leurs récoltes de céréales. Les humains ont sans doute offert aux chats de la nourriture comme récompense pour les encourager à rester dans les parages ». Parmi ces félins, certains matous dotés de gènes encourageant l’inter­action avec les humains se seraient montrés moins « peureux », plus « dociles », par opportunisme alimentaire. Ils se seraient alors reproduits jusqu’à former une population distincte de leurs cousins sauvages. Les chats auraient donc « choisi » de se laisser apprivoiser par les hommes, chacun y trouvant son compte. « La sélection pour la docilité, résultat de l’accoutumance aux humains en vue de récompenses alimentaires, est probablement la raison majeure qui a modifié les génomes des premiers chats domestiqués », précise Wesley Warren. Mais si ce rapprochement a entraîné des modifications dans leur ADN, les chats dits « human friendly » (amicaux avec l’humain) ont conservé tels quels les gènes régissant leurs capacités exceptionnelles que sont l’ouïe et la vision ainsi que leur régime carnivore élevé en graisses et protéines. Ce qui ne les a pas rendus dépendants de l’homme pour la nourriture, contrairement à l’espèce canine. « La grande majorité des chats est encore capable de se nourrir et de se débrouiller sans l’homme », confirme Brunilde Ract-Madoux, une éthologue française spécialiste des chats.

Domestication hasardeuse

Pourquoi les chats sont-ils restés plus « sauvages » que les chiens? D’abord parce que leur domestication est beaucoup plus récente et qu’elle s’est opérée de manière un peu hasardeuse. Il est fort probable, en effet, que leur reproduction gérée par l’homme se soit effectuée avec le tout-venant et n’ait pas répondu aux mêmes critères exigeants que celle des chiens que l’homme a apprivoisés et sélectionnés selon des aptitudes particulières et dans un but bien précis : défendre l’habitat ou accompagner à la chasse. Ensuite, parce que « les chats domestiques ne se sont distingués que récemment des chats sauvages, et que certains se reproduisent encore avec leurs parents sauvages », suppose Wesley Warren. Rien d’étonnant, donc, à ce que votre matou soit si indépendant… surtout si c’est un « gouttière », moins génétiquement modifié que le chat de race!

Pour Catherine Bastide, directrice du Livre officiel des origines félines (Loof), les chats de race ont effectivement perdu certaines caractéristiques sauvages : « Même si on peut avoir de la chance avec un gouttière, ce “chat du hasard” parfois très affectueux, d’une façon générale les chats de race sont plus sociables et plus confiants envers l’homme. Au-delà de l’esthétique, cela est systématisé par le fait que les reproducteurs sont sélectionnés sur leur douceur, et aussi parce que les chatons sont manipulés par l’éleveur dans la maison. Je pense même que le quotidien de l’éleveur est plus important encore que la sélection ». L’expression chat-chien, souvent utilisée par les propriétaires de chats de race, ne serait donc pas usurpée !

Le docteur Thierry Bedossa, vétérinaire comportementaliste, se souvient d’avoir travaillé avec des maine coon aux états-Unis, il y a vingt ans : « à l’époque, ces chats des forêts du Maine étaient beaucoup moins “dociles” (entre guillemets, car c’est un terme anthropomorphique), proches de leur vraie nature. Et puis, certains éleveurs ont eu la lubie d’en faire une race. Aujourd’hui, la “docilité” du maine coon est une conséquence de la sélection ».

Selon l’éthologue Carole Henrion, « on entend parfois dire que les gouttières sont systématiquement plus agressifs que les chats de race. C’est un peu réducteur. Certes, la sélection artificielle joue sur le tempérament. Néanmoins, il faut aussi prendre en compte la phase d’apprentissage (même avec un chat, il y a une ­éducation !) et les contraintes environnementales. Un chat qui passe l’essentiel de son temps à l’extérieur sera moins proche de son maître qu’un chat vivant dans un espace réduit ». Il est vrai que, par souci de sécurité, la plupart des propriétaires de chats de race (et donc de valeur) ne leur autorisent pas l’accès à l’extérieur. Un choix qui, bien sûr, influe sur le comportement…

Le retour du chat sauvage

Appelé chat forestier d’Europe, le Felis silvestris silvestris est une espèce protégée, en France, depuis 1979. Souvent confondu avec le chat domestique, dont il est distinct génétiquement, ce prédateur méconnu est étudié depuis 1995. Or, surtout depuis une dizaine d’années, il semble coloniser de nouveaux espaces. Mais si le chat sauvage semble de retour, l’identité génétique des individus n’est pas encore clairement établie car plusieurs animaux atypiques ont été trouvés (mixtes forestier/domestique). Cette hybridation récente met en question la survie de la forme autochtone originelle du chat forestier d’Europe… Même s’il existe encore un groupe sans ancêtre domestique récent !

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