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Installe-t-on trop de ruches en ville ?

Une récente étude scientifique, réalisée à Paris, alerte sur les dangers d’une densité trop élevée de ruches en ville. Les principaux touchés seraient nos pollinisateurs sauvages qui semblent en difficulté pour accéder aux fleurs.

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Installe-t-on trop de ruches en ville ?
Shutterstock

Paris, paradis des abeilles ? Pas sûr. Une nouvelle étude française, menée par Isabelle Dajoz et publiée dans Plos One, montre que, bien que l’idée puisse sembler bonne, mettre des ruches d’Apis mellifera – nos abeilles domestiques fabricant du miel en grande quantité – sur tous les toits de Paris n’est pas bénéfique à l’environnement, et surtout pas aux pollinisateurs sauvages (abeilles, bourdons, papillons, coléoptères…).

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Nos abeilles domestiques, de grandes gourmandes

« Nous avons d’abord cartographié toutes les ruches installées dans Paris grâce aux données fournies par l’Agence d’écologie urbaine. Ensuite, nous avons observé l’influence de la densité de ruches par rapport à la fréquence de visite des plantes par les pollinisateurs sauvages. On a également cartographié les ressources alimentaires présentes dans Paris pour les pollinisateurs », détaille Isabelle Dajoz. Deux conclusions ont résulté de ces observations :

  • Dans un rayon de 500 mètres, plus la densité de ruches est élevée, moins les fleurs sont visitées par les pollinisateurs sauvages. « Y a-t-il des interférences ? De la compétition ? Notre étude seule ne peut pas le montrer », précise toutefois la chercheuse.
  • « Nous avons estimé à 20 kilos la production de miel par ruche et par an. D’après la quantité de nectar disponible dans Paris, on en a conclu qu’absolument toutes les ressources étaient utilisées par nos abeilles domestiques. » Nos pollinisateurs sauvages, très souvent solitaires et beaucoup moins gourmands en nectar que les abeilles domestiques, repartent-ils donc bredouilles de leur sortie ?

Isabelle Dajoz-Plos One. Localisation des ruches, des espaces verts et des sites d’étude dans Paris

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Bien évidemment, ces résultats ne sont pas applicables à toutes les villes. Isabelle Dajoz précise d’ailleurs que Paris est une ville particulièrement pauvre en espaces verts (elle compte entre 70 et 80 % de béton) et abrite un nombre de ruches bien supérieur à la moyenne : 15 ruches par kilomètre carré alors que l’idéal serait de trois par kilomètre carré. Certaines villes comme Lyon, Besançon, Berlin ou Londres sont d’ailleurs des modèles à suivre puisqu’elles ont commencé à faire marche arrière face à cette « ruche mania ».

Comment aider nos pollinisateurs sauvages ?

Selon la chercheuse, l’interdiction de l’utilisation de pesticides pour les collectivités en 2017, suivie de celle pour les particuliers en 2019, est déjà une très bonne chose. « Si on veut conserver de la biodiversité au sein de nos pollinisateurs sauvages, il faut leur garder de la place, planter des fleurs et limiter la quantité de ruches. » Pour elle, il y a définitivement trop de ruches à Paris. « L’Agence régionale de biodiversité a d’ailleurs exposé le fait que le rendement en miel diminuait. Cela montre bien que la ressource alimentaire n’est pas suffisante pour toutes ces abeilles. » Néanmoins, à la question « nos abeilles domestiques sont-elles en train de remplacer nos pollinisateurs sauvages en ville ? », Isabelle Dajoz répond par la négative : « Domestiques et sauvages butinent des plantes en commun, mais on ne peut pas dire qu’il y a un remplacement car de nombreux pollinisateurs sauvages sont spécialisés pour récolter le pollen d’une seule variété de fleur. »

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C’est d’ailleurs à cause de cette caractéristique que la disparition des pollinisateurs sauvages serait une catastrophe. « Les abeilles domestiques ne peuvent pas tout polliniser ! » précise Gilles Lanio, président de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf). Cependant, il pense que commencer à retirer des ruches en ville est une « folie douce ». « Évidemment, si vous inondez un endroit de ruches, cela n’ira pas, mais je ne pense pas qu’il y en a trop à Paris. Après, il y a peut-être des abus à certains endroits, mais la question à se poser est la suivante : pourquoi les pollinisateurs sauvages disparaissent-ils ? »

Pour illustrer ses propos, Gilles Lanio cite le cas de l’île bretonne d’Ouessant, qui détient la plus forte concentration d’abeilles de France. « Pas de pesticides, pas de pollution ni de prédateurs, une grande diversité alimentaire… C’est un paradis pour abeilles sauvages et domestiques qui y vivent en harmonie. »

Shutterstock. L’île d’Ouessant est exempte de tout pesticide et de tout prédateur qui pourraient nuire aux abeilles.

Les abeilles domestiques, sentinelles de l’environnement

Gilles Lanio explique que les abeilles domestiques en ville ont un grand avantage : elles sont surveillées. Ainsi, lorsqu’une colonie voit son nombre d’individus chuter drastiquement, cela dénote un problème. « En observant les abeilles, on peut se rendre compte de la qualité du milieu et l’améliorer, ce qui sera bénéfique pour les pollinisateurs sauvages », conclut le président de l’Unaf.

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Publié le 31 octobre 2019
4 minutes
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