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Marie-Claude Bomsel : le monde sensoriel des animaux

À l’occasion de l’Université d’été de l’animal, plongez dans le monde fascinant des sens. Le flair du chien, la vision du chat, l’écholocalisation du dauphin… La vétérinaire et professeur au Muséum national d’histoire naturelle Marie-Claude Bomsel décortiquera pour vous ces univers sensoriels inconnus de l’Homme.

Marie-Claude Bomsel : le monde sensoriel des animaux
Marie-Claude Bomsel

Animaux-Online : Pourquoi vous êtes-vous intéressée aux sens des animaux ?

Marie-Claude Bomsel : J’ai eu la chance, enfant, d’être élevée au contact de la nature et d’animaux, tant domestiques (chats, chiens rongeurs et oiseaux) que sauvages puisque je passais tous mes week-ends et mes vacances scolaires à la campagne et dans la forêt. À cette époque, la faune était encore abondante et j’adorais observer l’attitude et le comportement des animaux qui m’entouraient… J’avais remarqué à quel point chaque animal abordait le monde d’une façon très différente : le corbeau tombé du nid  (que j’élevais) me scrutait en tournant la tête de tous côtés ; le renard  m’évitait avant même de m’avoir vue grâce à son odorat, le serpent  blessé que mon père avait ramené à la maison « humait » l’environnement avec sa langue… Je m’étonnais de ces différences et m’étais juré, en grandissant, d’approfondir tous ces mystérieux sens qui m’intriguaient, voire de percer leurs mystères… Ce que je suis loin d’avoir fait, évidemment !

AO : En quoi est-il important de connaître les caractéristiques du monde sensoriel dans lequel vivent les animaux ? Pour un vétérinaire, par exemple ?

M.-C. B. : On ne comprend un animal que si on admet que chaque espèce, voire chaque individu d’une espèce possède ce que l’on appelle en français son « monde propre ». Les animaux sont, comme nous, dotés de récepteurs sensoriels identiques ou différents des nôtres. Pour beaucoup, ils entendent, voient, etc. souvent dans d’autres gammes que les nôtres. Ils ont un potentiel génétique et un système nerveux plus ou moins élaboré, et sont confrontés à diverses expériences qui vont peu à peu leur permettre de construire et d’appréhender leur propre monde.

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Ainsi, un vétérinaire sait bien que les chiens, mais aussi les chats, vont sentir les odeurs de congénères « signalant » des « dangers potentiels » en entrant dans leur cabinet. Il doit donc, avant tout, rassurer ses patients avant de les approcher, voire parfumer la salle d’attente de phéromones apaisantes. Autre exemple, un cheval ne voit pas sous son nez un jeune enfant qui désire le caresser du fait de la position latérale de ses yeux. Cela demande donc une vigilance accrue.

Shutterstock. De par la position des ses yeux, un cheval ne voit pas ce qui se passe sous son nez.Soyez vigilant !

AO : Quel est l’animal qui possède le plus de sens ?

M.-C. B. : C’est difficile à dire car nous sommes loin d’avoir exploré tout l’univers sensoriel du monde animal. On peut cependant évoquer un animal que j’appellerai « tout en un » : le requin. Il concentre à lui seul tout un arsenal de sens pour se renseigner sur son environnement. Grâce à son odorat, il détecte le sang à plusieurs kilomètres de distance. Son ouïe et sa vue sont extrêmement performantes. Avec sa ligne latérale (comme beaucoup de poissons) il « explore » à distance ses futures proies en analysant les vibrations et pressions de l’eau qui l’entoure. Il est aussi muni d’électrorécepteurs détectant les courants électriques émis par certains poissons qu’il repère dans le noir ou sous le sable, et il peut délimiter certains champs magnétiques terrestres. Enfin, en touchant sa proie, il mord et goûte cette dernière pour voir si elle est consommable. Il peut même adapter sa gustation. C’est ainsi qu’il finit hélas, parfois, par apprécier la chair humaine…

AO : Quel sens vous fascine le plus et pourquoi ?

M.-C. B. : C’est très personnel et subjectif, en fait. Je dirais l’utilisation du champ magnétique terrestre par les oiseaux migrateurs ou les tortues marines dans leurs déplacements. N’ayant aucun sens de l’orientation, j’adorerais être telle une tortue dans l’eau ! Étant aussi, depuis toujours, légèrement déficiente auditive, j’aimerais, tel l’éléphant, communiquer par infrasons à plusieurs kilomètres de distance !

Shutterstock. Les éléphants peuvent communiquer entre eux jusqu’à 10 km de distance,et ce grâce à des infrasons.

AO : L’écholocalisation a inspiré nos radars. Existe-t-il d’autres exemples de l’adaptation d’un sens animal à une technologie ?

M.-C. B. : Certains boas ou crotales ont une vision thermique du corps d’un rongeur, ce qui fonctionne de la même manière que le système d’une caméra infrarouge. Des caméras acoustiques se sont également inspirées de l’audition des hiboux et des chouettes (certaines ont leurs deux oreilles placées à des hauteurs différentes). Pour l’instant, la robotique s’est surtout inspirée de particularités anatomiques du monde animal, mais elle se réoriente à présent sur son monde sensoriel, ce qui permettra d’accroître les données sur celui-ci.

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