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Esther, chienne de la Garde

Après des années passées au service de la nation, la spécialiste en recherche d’explosifs de la Garde républicaine va prendre un repos bien mérité.

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Esther, chienne de la Garde
Arnaud Beinat

Allez, Esther ! Accompagnée de son «maître de chien», le maréchal des logis-chef Stéphane, la petite femelle english springer spaniel vient juste de s’élancer vers le véhicule suspect. Après un tour d’inspection rapide mais minutieux, Esther s’assoit tranquillement devant la roue arrière droite, précisément là où Stéphane a caché une charge explosive. On passe à la récompense puis à la détente, sans un regard aux prestigieux cavaliers de la Garde qui s’entraînent à côté. D’ailleurs, les chevaux, elle n’aime pas trop.

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Pour Esther, la Garde républicaine, c’est désormais fini. Cet exercice était l’un des derniers qu’elle a exécutés car, à tout juste huit ans et demi, elle est une jeune retraitée et coule des jours heureux sur le canapé de son maître. Un repos plus que mérité ! Décorée de la médaille de la Défense nationale « échelon bronze », cette petite chienne très affectueuse a effectué plus de huit cents interventions de sécurisation. Son nom exact est Esther d’Hurtevent et, depuis tout ce temps, elle a veillé sur la sécurité des grands personnages de la République française.

Une « race à part »

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Si Esther vient d’un élevage du nord, ce n’est pas une règle absolue car le Centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie de Gramat (46) cherche et recrute en permanence des chiens entre 10 et 24 mois de toute provenance. Les spécialistes de Gramat évaluent les animaux et déterminent s’ils ont les aptitudes compatibles avec l’une des seize spécialités exercées par les chiens de la gendarmerie nationale. Celle d’Esther, c’est la recherche, qui nécessite des qualités spécifiques. « Un chien spécialisé dans la recherche de matières explosives doit être joueur, avoir un flair supérieur à la moyenne mais aussi faire preuve d’une grande abnégation, détaille Stéphane. Car lorsqu’on lui demande d’aller en reconnaissance, il faut qu’il reste concentré, et ce parfois pendant 30 à 40 minutes d’affilée. »

Arnaud Beinat. Le jeu et la détente sont la base de tout entraînement d’un chien « explosifs ».

En plus d’avoir un bon flair, Esther est de petit gabarit. Un atout pour son maître qui peut la hisser sans effort pour la déposer sur une étagère, sur le chargement d’un camion de livraison, etc. Elle passe partout. En outre, ses origines de chien de chasse la prédisposent à garder en mémoire tous les effluves générés par les explosifs afin de les repérer rapidement. Si l’unité travaille aussi avec d’autres races comme le berger belge ou le berger hollandais, tous les chiens affectés à la Garde républicaine constituent une « race à part » puisqu’ils sont choisis avec une condition supplémentaire : celle d’être capables de travailler dans des palais nationaux.

Une chienne à l’elysée

Alain, colonel, commande la compagnie de sécurité des palais nationaux du 2e régiment d’infanterie. Les quatre équipes cynophiles de la Garde républicaine sont placées sous son commandement. Toutes spécialisées dans la recherche d’explosifs, elles sont chacune composée d’un chien, de son maître et de l’assistant de celui-ci : « Nous agissons sous réquisition du Sénat, de l’Assemblée nationale et de la présidence de la République. Si les personnels de la Garde républicaine sont tous rompus à la manière de se comporter dans les lieux de pouvoir, nos équipes cynophiles ne sont pas seulement capables d’y assurer leur mission, mais doivent aussi en connaître les us et coutumes. Les chiens aussi doivent s’adapter à cet environnement particulier où il faut se faufiler calmement, sans abîmer ni casser les objets d’art souvent présents. Il s’agit de sécuriser des lieux en restant le plus discret possible. »

Arnaud Beinat. Esther « marque » l’endroit où se trouve l’explosif en s’asseyant calmement.

Affectées prioritairement à la sécurité de ces trois lieux de pouvoir, les équipes de la Garde peuvent toutefois renforcer les unités de gendarmerie standard dans le cadre, par exemple, d’opérations judiciaires normales. « Cela permet d’accumuler de l’expérience en voyant autre chose, changer d’environnement et recréer de la nouveauté dans la mission. Un animal qui fait toujours la même chose dans le même endroit finira par se lasser. » Les entraînements ne se font pas dans les palais nationaux mais dans des sites qui s’y apparentent, tel le château de Vincennes, proche, mais aussi dans d’autres milieux, parfois dégradés comme après un attentat.

Une histoire d’amour

Avec Esther, Stéphane entretient des liens qui s’apparentent à ceux d’une longue histoire d’amour. « Quand on me l’a attribuée au centre d’instruction cynophile de Gramat, c’était encore un chiot de dix mois mais entre nous, ce fut immédiatement fusionnel. Ce jour-là, elle a exceptionnellement dormi dans ma chambre mais, comme c’est un chien militaire, une fois arrivée à la Garde, pendant toute sa carrière, elle a passé ses nuits au chenil. » Pas sûr que ce régime militaire soit maintenu depuis qu’Esther est à la retraite chez Stéphane. Car la petite chienne n’a pas pour autant quitté son maître en se retirant de la gendarmerie. Elle a rejoint le foyer de son binôme humain comme 98 % des chiens réformés de la gendarmerie, même si ce droit n’est pas acquis. En effet, le maître qui veut garder son chien doit d’abord en faire la demande. Celle-ci sera intégrée à un dossier de réforme soumis à l’approbation de la hiérarchie et du centre de Gramat. Dans les rares cas où le maître ne peut pas garder son chien, ce dernier est proposé à l’adoption sur des critères extrêmement sévères, en premier lieu l’interdiction formelle de le faire travailler de nouveau. Adopter un chien militaire est d’ailleurs chose peu aisée car ils sont très demandés et la liste d’attente est longue. Chaque candidature est soumise à l’approbation de l’ancien maître qui veille à ce que son coéquipier à quatre pattes vive une retraite paisible.

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Pour Esther, les dés sont jetés depuis septembre 2018. Elle a raccroché progressivement, en commençant par passer toutes les nuits de ses dernières semaines de service avec Stéphane et deux « collègues canins ». « J’ai déjà deux chiens à la maison avec lesquels Esther s’est tout de suite entendue à merveille. Cela m’en fait trois désormais. Heureusement que j’ai la chance d’avoir une famille passionnée par les chiens. » 

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Publié le 13 juillet 2019
6 minutes
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