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Hécatombe de requins à Nausicaà : que s’est-il passé ?

Depuis 2011, trente requins marteaux ont été capturés dans leur milieu naturel par l’aquarium de Boulogne-sur-Mer, Nausicaà. Aucun n’a survécu. Selon les experts, ces décès prématurés montrent un manque de connaissances et de prise en compte des besoins naturels de cette espèce menacée.

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Hécatombe de requins à Nausicaà : que s’est-il passé ?
Shutterstock

Le dernier de ces requins-marteaux, arrivé d’Australie il y a huit ans, est mort le 25 avril d’une infection causée par un champignon. Il ne s’alimentait plus depuis trois semaines et avait été placé en observation à l’écart des visiteurs. Il était atteint d’une fusariose, infection causée par « un champignon qui envahit toutes les voies internes du requin », a expliqué vendredi à l’AFP le directeur de Nausicaà, Philippe Vallette.

Une volonté de sensibilisation et de recherche

« En 2011, l’aquarium de Boulogne-sur-Mer avait déjà capturé dans leur milieu naturel vingt requins marteaux juvéniles, l’année dernière, une dizaine de bébés avaient encore été capturés dans une nurserie. Tous sont morts dans les bassins de Nausicaà. Pourquoi, après l’échec retentissant de 2011, l’aquarium de Boulogne-sur-Mer a-t il persisté à vouloir exhiber ces animaux fragiles, menacés et dont la longévité dans leur milieu naturel excède de loin celle d’une vie captive ? », s’insurge l’association Sea Shepherd dans son communiqué.

Reconnaissable à sa tête aplatie aux yeux périphériques, le requin-marteau halicorne peut mesurer jusqu'à 4 mètres à l'âge adulte. Il figure sur la liste rouge des espèces menacées de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).  Il est notamment victime de la surpêche car son aileron est très prisé dans les pays d'Asie, où il est consommé sous forme de soupe.

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A cette question, Nausicaà explique que, étant une espèce « fortement menacée » dans la nature, sa présence dans l’aquarium « avait pour mission de sensibiliser (les) visiteurs à la beauté et à la fragilité de cet animal, de mieux le connaître et observer ses comportements pour apprendre à le protéger encore mieux dans son milieu naturel. » Mais pour Sea Shepherd, « seul l’appât du gain, couplé à une incompétence et une irresponsabilité flagrantes peuvent expliquer cette hécatombe. (…) Si Nausicaà souhaite réellement aider à protéger les requins-marteaux (…) les trois millions d’euros de fonds publics engloutis dans ce projet d’exhibition auraient dus être investis dans la lutte contre le braconnage », jugent encore les militants.

Sea Shepherd porte plainte

C’est pour ces raisons que Sea Shepherd a décidé de porter plainte auprès du parquet de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). L’association exige que « toute la lumière soit faite », notamment concernant les causes de cette mortalité, « les conditions dans lesquelles les requins-marteaux ont été prélevés dans leur milieu naturel », celles dans lesquelles ils ont été « détenus » dans l’aquarium, l’attribution de « l’autorisation d’ouverture », ou encore la « vérification scientifique des arguments liés à la préservation de l’espèce » soulevés par la direction pour justifier l’élevage de requins.

Des causes toujours inconnues

Nausicaà a toujours justifié ces décès prématurés par l’âge des requins marteaux. « On prend toujours des juvéniles pour avoir un impact minimum sur l’environnement puisqu’ils ne sont pas encore en âge de se reproduire et qu’en mer, ils seraient statistiquement condamnés », avait déjà expliqué Philippe Valette à l’AFP. Ainsi, l’aquarium s’attendait à des pertes.

Nicolas Ziani, scientifique référent du Groupe phocéen d’étude des requins avait expliqué à l’AFP en février (lors d’une autre série de décès) que « cette espèce vit en haute mer et est très sensible à la manipulation, à l’apport en oxygène et à l’espace de nage ». Elle nécessite donc des bassins spécifiques et très grands. Le transport engendre également « un stress énorme qui peut tuer l’animal, d’autant plus s’il est juvénile et donc plus fragile ». Selon le spécialiste, le fait d’avoir cette espèce en aquarium est « vendeur pour l’établissement mais ne prend pas en compte les besoins biologiques de l’animal ».

Toutefois, l’aquarium se défend. « Nos méthodes d’anesthésie sont au point, car on les utilise sur tous nos autres poissons avec succès. Ce n’est pas un problème d’oxygène : on est à plus de 100% d’oxygène dans le grand bassin », a déclaré le directeur de Nausicaà. Mais, concernant la qualité de l’eau, « malgré toutes les précautions que l’on prend pour étudier la salinité, la densité, la température et les autres paramètres, ce n’est peut-être pas assez. Il faut que l’on progresse encore sur le milieu que l’on peut donner à ces animaux », a-t-il dit.

Qu’est-ce que cela représente pour l’aquarium ?

La mort de ces animaux a représenté « entre 200.000 et 300.000 euros » de pertes annuelles pour l’aquarium, qui ne renonce toutefois pas à l’idée d’accueillir un jour d’autres requins-marteaux. « Si on veut faire progresser la connaissance, il faut pouvoir observer ces animaux 24 heures sur 24. On ne peut pas faire ça en mer », explique Philippe Vallette.

Réagissant dans un communiqué, le maire de Boulogne-sur-Mer Frédéric Cuvillier (PS) a proposé que « le réseau des aquariums mondiaux et ses scientifiques puissent se réunir » pour procéder à un état des lieux des connaissances et « bâtir un programme de sauvegarde ». De son côté, Nausicaa enverra dès le mois de mai deux soigneurs en haute-mer en Colombie, afin de « faire des analyses, pour savoir s’il y a des (écarts) entre ce qui se passe en mer et ce qui se passe chez nous », a indiqué le directeur de l’aquarium.

(avec AFP)

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Publié le 29 avril 2019
4 minutes
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