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Médiation animale : une pratique complexe en pleine expansion

Vous avez certainement dû voir ces images de chevaux en maison de retraite, ou de chiens aux chevets de personnes malades ? Il s’agit de médiation animale dans un cadre de santé. Pourquoi utiliser un animal ? Qu’est-ce qu’il apporte ? Qui pratique ces médiations ? Voici un tour d’horizon de cette pratique aux multiples vertus.

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Médiation animale : une pratique complexe en pleine expansion
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 » C’est vrai que le grand public est en train de découvrir les activités qui associent des animaux, notamment à travers les maisons de retraite. En fait, c’est assez ancien, ça s’est formalisé dans les années 50-60 « , raconte Boris Albrecht directeur de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer qui a déjà soutenu plus de 700 projets de médiation depuis plus de 15 ans sur l’ensemble du territoire. Concernant le terme de « médiation animale », il existe depuis 2008. « Il a été choisi car, contrairement à « zoothérapie » ou « équithérapie« , il est neutre et inclusif ce qui fait que n’importe qui peut s’inclure dans cette définition », explique-t-il. Pour Boris Albrecht la différence avec les années soixantes, c’est qu’aujourd’hui ces pratiques sont prises au sérieux.  Pour preuve, la profession « d’équicien » a été inscrite au répertoire des métiers en 2014. « Au niveau du chien, il n’y a pas encore de formation reconnue, cela devrait venir d’ici quelques années ou quelques mois », précise le directeur de la Fondation Sommer. Selon lui, il est désormais nécessaire de délimiter les champs de compétences, éclaircir les rôles et les fonctions d’acteurs capables d’intervenir auprès des populations confrontées à des handicaps sociaux, physiques, sensoriels ou psychiques.

Faire tomber les dernières barrières

Même si la médiation animale commence à s’installer dans le paysage des soins, du chemin reste à parcourir. En effet, quelles que soient les pratiques, un responsable d’établissement est le seul habilité à accepter ou refuser la médiation animale. Isabelle de Tournemire, fondatrice de l’association de chiens visiteurs Parole de chien, rencontre les principaux blocages à son activité plus particulièrement dans les hôpitaux et les établissements pour enfants, qui ont des normes très strictes et des craintes récurrentes sur l’hygiène et la sécurité. « En revanche, au niveau des EHPAD, c’est très facile d’aller vers les personnes âgées car tout le monde s’en moque. La société a peu de considération à leur égard et c’est bien dommage, car nous avons beaucoup de choses à apprendre d’elles », déplore-t-elle.

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 » Sans être devenue banale, la présence animale dans les établissements des secteurs sociaux et médico-sociaux se généralise rapidement. Les maisons de retraite spectaculairement, les hôpitaux de plus en plus souvent, voient cohabiter leurs pensionnaires avec des chiens ou des chevaux parfaitement intégrés aux pratiques quotidiennes des professionnels des secteurs concernés. Des mini-fermes se créent au cœur des structures et des centres équestres s’ouvrent à des publics nouveaux « , évoque avec entrain Boris Albrecht.

Qui pratique la médiation animale ?

Si l’animal est le médiateur, sans une compétence humaine derrière, quelle qu’elle soit, il ne peut rien faire. Un orthophoniste, un moniteur éducateur, un psychologue, un éthologue, une psychomotricienne… Autant que le choix de l’animal, la profession initiale de l’intervenant est déterminante dans le soin apporté au bénéficiaire. En fonction de ça, les objectifs de la médiation animale seront complètement différents :

  • Développer ou restaurer les fonctions cognitives et psychomotrices
  • Améliorer ou restaurer l’estime de soi
  • Stimuler la sensorialité
  • Prendre du plaisir à être et agir avec l’animal
  • Mettre en place une dynamique relationnelle importante
  • Réduire l’anxiété, l’agressivité, les troubles du comportement…
  • Améliorer les capacités de vigilance
  • Diminuer la fatigabilité (Les cahiers de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer)

Dans une certaine mesure, la médiation animale peut également permettre de diminuer les soins médicamenteux, notamment pour l’anxiété. C’est le cas par exemple du projet de Flora Mannigel (voir notre article sur la Fondation Affinity), psychomotricienne dans deux EHPAD du Périgord, qui travaille avec son chien sur des personnes âgées atteintes d’Alzheimer ou de démences apparentées. Enfin, un but commun réunit tous les acteurs de la médiation animale : le bien-être des patients comme des animaux.

La médiation animale est-elle une thérapie ?

Concernant ce point-ci, les avis semblent légèrement diverger.  » Le terme de thérapie est de moins en moins utilisé. Les médecins, infirmières ou psychomotriciennes proposent une activité avec l’animal, à vocation thérapeutique, mais ils ne parlent jamais de thérapie pur jus. Le soignant va se dire  » je vais essayer le théâtre, l’acupuncture, les médicaments, la médiation animale… » Et parmi une de ces propositions, il y en a peut-être une qui va fonctionner mieux qu’une autre « , explique Boris Albretch.

Pour Isabelle de Tournemire, l’activité de chien visiteur n’a rien à voir avec la thérapie. Les bénévoles se rendent tous les 15 jours dans un EHPAD, ou un hôpital gériatrique proche de chez eux. Ils visitent 5 à 6 résidents, toujours les mêmes afin qu’un lien se crée entre les personnes et leur chien. Dans les animations collectives, un petit groupe de résidents se réunit autour d’un bénévole et son chien afin de participer à des activités qui stimulent la mobilité, les sens, la mémoire et l’expression. « »Mais en aucun cas ce qu’on fait ne se rapporte à de la thérapie « , insiste la fondatrice de Parole de Chien.  » Aujourd’hui il y a de plus en plus de structures professionnelles, avec des éthologues, des psychomotriciens, des spécialistes de la médiation animales, etc., qui ont un objectif thérapeutique. Il y a de la place pour tout le monde. Nos chiens sont là pour apporter de la chaleur, des câlins, de l’affection, mais c’est aussi très bien que la médiation animale cohabite avec des activités à visée thérapeutique « .

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Entre ces deux points de vue, la psychomotricienne Flora Mannigel estime que la médiation animale fait partie de la thérapie non-médicamenteuse.  » Le chien vient vraiment en support de certains traitements. C’est mon métier de psychomotricienne qui me permet de faire de la thérapie, ça n’a rien à voir avec les chiens visiteurs. On ne fait pas le même travail, mais ce sont des pratiques complémentaires « .

Qui sont ces animaux ? 

Il y a deux grandes familles d’animaux utilisés dans la médiation animale : les chiens et les chevaux (respectivement 60 et 40%). Ensuite, il y a les ânes et les animaux de ferme. Les lapins, cochons d’Inde ou hamsters accompagnent souvent une activité avec un chien et sont rarement utilisés seuls. Le cavalier King Charles, ou le cocker, sont des races répandues en maison de retraite, car on peut les poser sur une table pour qu’ils soient à hauteur de patients qui ne peuvent plus se baisser. Les golden retriever et les labradors sont également des races plus communes.

Pourquoi utiliser l’animal comme médiateur ?

Tous les acteurs de la médiation animale se rejoignent sur ce point : les animaux ne jugent pas.  » La principale difficulté d’un autiste est la communication, ce qui peut biaiser l’attitude des soignants. Or, un animal n’a aucun a priori et son comportement sera le même quel que soit le sujet en face de lui. Cette communication non-verbale permet d’atténuer le réflexe de protection manifesté envers un étranger « , explique la Fondation Sommer. Cela s’observe également chez les personnes âgées.  » Ils ont souvent une mauvaise estime d’eux-mêmes. Or, nos chiens iront voir aussi bien un top-modèle, qu’une personne âgée « , explique Isabelle de Tournemire.

Floral Mannigel ajoute que les animaux utilisés dans la médiation sont des êtres familiers et vivants.  » C’est avant tout un excellent support de communication qui permet de libérer la parole du patient et crée du relationnel. Ils ne jugent pas et désamorcent même certaines situations « . La psychomotricienne relate le cas d’un résident très agressif avec l’une de ses collègues. « Je suis allée le voir avec Niobé, mon cocker, et en cinq minutes, c’était réglé. Niobé l’a tout de suite apaisé « .

Autre exemple, au CHU de Nîmes, les personnes âgées hospitalisées pour dépression se rendent tous les mardis au domaine équestre de Maruejols pour des séances de médiation équine. Cela permet de nouer des liens, favoriser les conversations, créer des amitiés, etc.

Le bien-être des animaux est-il respecté ?

Boris Albrecht reconnaît que la question du bien-être animal n’a pas encore été réellement traitée.  » Les lapins sont cardiaques, les rongeurs qui vivent la nuit, travaillent le jour… Tout ça pose la question du bien-être animal. Si on est maltraitant avec un animal, on va être maltraitant avec l’humain. Parfois, la maltraitance est totalement involontaire par manque de connaissances « . D’où l’importance, selon lui, de créer un cadre légal à la médiation animale.  » Il faut que des spécialistes de l’animal – vétérinaire, éthologue, éducateur canin- puissent aider et accompagner « .

Du côté de Parole de Chien, des précautions sont toutefois prises lors du recrutement du binôme. Ce dernier est reçu par un comportementaliste pour savoir si l’animal est apte à devenir un chien visiteur. Ensuite, la formation dispensée au maître l’informe des modalités d’hygiène et de sécurité, mais elle lui permet aussi de cerner les aptitudes de son animal afin de les développer.  » Par exemple, il faut que le maître apprenne à reconnaître les signaux que lui envoie son chien (situation d’inconfort ou de stress), afin d’y répondre et de s’adapter « . Isabelle de Tournemire précise qu’un suivi et des évaluations sont mis en place afin de vérifier que tout se passe bien.  » Chaque visite est très calibrée chez nous, avec des temps bien précis et des pauses à mi-parcours pour le chien. J’insiste énormément sur le cadre de ces visites, sinon on peut vite griller un chien « .

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Publié le 6 décembre 2018
8 minutes
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