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Braconnage des anguilles : “premier trafic d’espèce au monde”

Autrefois abondantes dans les rivières européennes, les anguilles sont aujourd’hui menacées d’extinction, objet notamment d’un trafic à plusieurs milliards d’euros entre l’Europe et les marchés asiatiques.
– avec AFP –

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Braconnage des anguilles : “premier trafic d’espèce au monde”
Shutterstock

« Avec la perte des habitats naturels et l’intervention de l’homme sur les cours d’eau », 90% de la population d’anguilles a disparu en Europe en 30 ans, explique à l’AFP Andrew Kerr, président de l’association Sustainable El Group. Avec l’augmentation du trafic à destination de l’Asie, la survie de l’espèce est en jeu.

Un trafic trop lucratif

Protégée depuis 2009 au titre de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces menacées), la civelle, jeune anguille, continue d’être pêchée par centaines de tonnes, en majorité en France. Face à l’urgence, le gouvernement français a mis en place un « plan anguilles », coordonné à l’échelle européenne, établissant des quotas pour la pêche et interdisant l’exportation des civelles hors de l’Union.

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Pour Michel Vignaud, de l’Agence française pour la biodiversité (AFB), la crise s’explique en partie par la différence de prix entre le marché européen et le marché asiatique, qui rend le trafic très lucratif. Achetées 420 euros le kilo en France (1 euro l’unité), les anguilles devenues adultes peuvent atteindre en Chine 10 euros l’unité. En 2016, la Chine en produisait près de 250.000 T par an pour la consommation, selon la FAO. Or les élevages doivent être approvisionnés régulièrement en civelles, car l’espèce ne peut se reproduire en captivité.

Des victimes du braconnage

Selon Europol, 100 tonnes de civelles (soit quelque 350 millions d’unités) sont ainsi acheminées en Asie illégalement chaque année. « Le trafic des alevins implique un crime environnemental, de la contrebande, de la fraude, de l’évasion fiscale et du blanchiment d’argent », souligne un porte-parole. Une fois capturées, les civelles sont transportées par camion, sous le nom de poissons dont l’exportation est légale. Les filières criminelles répartissent ensuite les stocks dans des valises de 50.000 civelles, embarquées sur des vols commerciaux pour l’Asie. Arrivées en Chine, elles sont élevées dans des fermes, destinées au marché japonais, où elles sont réputées être un mets de choix aux vertus aphrodisiaques. « On parle d’un trafic à plusieurs milliards d’euros. C’est le crime sur une espèce sauvage le plus lucratif au monde, l’espèce la plus trafiquée de la planète », affirme Andrew Kerr.

 La pêche légale aussi fautive

Animal mythique, l’anguille naît dans la mer des Sargasses, dans l’Atlantique Nord. Portées par les courants, les larves traversent l’océan, un voyage de 6.500 km jusqu’aux côtes européennes qui peut prendre plusieurs années. Les alevins remontent ensuite les rivières, où ils grandissent dans la vase, se nourrissant de larves et vers. Adultes après une vingtaine d’années, les poissons retournent dans les Caraïbes pour se reproduire et mourir. Un périple parsemé de dangers: trafic, surpêche, pollution, et plus d’un million de barrages… « On n’a jamais prétendu que le braconnage était seul responsable de la disparition des anguilles », souligne Charlotte Nithart, de l’ONG française Robin des Bois, qui demande particulièrement « l’annulation ou la réduction drastique » des quotas de pêche légale.

Pendant la saison de la pêche, qui a débuté début novembre pour s’étaler jusqu’en avril, 60 T d’alevins peuvent être récoltés sur les côtes et dans les cours d’eau français. 60% de ce quota est consacré au repeuplement : les anguilles prélevées sont réintroduites dans des cours d’eau où elles ont disparu, en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Europe de l’Est. Pour les défenseurs de la faune sauvage, ces quotas sont « inacceptables » car de nombreux individus meurent durant la capture et le transport. Pour le comité des pêches du Morbihan, au contraire, ils sont « justifiés » pour l’activité des pêcheurs professionnels. Quant aux trafiquants, ils s’exposent à des peines de plus en plus sévères. Ces dernières années, Europol a multiplié les coups de filet. A Bordeaux, un homme a été condamné à deux ans de prison en mai, après d’autres peines de prison ferme déjà prononcées par d’autres tribunaux français les mois précédents.

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Publié le 22 novembre 2018
3 minutes
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