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Bien-être animal : un colloque pour convaincre

L’Assemblée nationale conviait le 7 novembre médias et acteurs du secteur de l’animal pour un colloque autour du bien-être animal et humain. La question étant de progresser sur cette notion qui lie étroitement l’homme et l’animal…

Bien-être animal : un colloque pour convaincre
DR

Bien-être animal, bien-être humain, un seul bien-être ? C’est la question par laquelle Loïc Dombreval, député LaRem des Alpes Maritimes à l’initiative de l’événement, a ouvert le colloque qui s’est tenu dans la salle Victor-Hugo à l’Assemblée nationale. Visiblement, la question intéresse puisque l’amphithéâtre qui peut accueillir plus de 300 personnes a fait salle comble de journalistes, associations, activistes et grand public.

« Aujourd’hui, on est sur le concept d’un seul bien-être », a tenu à commencer le député qui est à la tête du groupe d’étude de l’assemblée nationale sur le bien-être animal. « L’épanouissement humain et le bien-être animal sont étroitement liés, a-t-il poursuivi après avoir fait le distinguo entre bientraitance, une vision obsolète et anthropocentrée, et bien-être qui place, désormais, la perception de l’animal au cœur du traitement que l’homme lui réserve.

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Durant trois heures, six intervenants de haut vol se sont succédé au pupitre afin de donner leur vision du bien-être animal et proposer une voie permettant de mettre un terme à la souffrance que nous infligeons aux animaux pour notre propre bien-être. On vous propose ici un petit résumé des principaux moments forts.

Cédric Vilani a invité à sortir de la passion

Le mathématicien, médaillé Fields, député LaRem de l’Essonne, est un soutien de la cause animale. « Le bien-être animal est dans l’air du temps, a-t-il commencé. Mais la passion que la problématique génère peut être contre-productive a-t-il tenu à mettre en garde. C’est pourquoi la réflexion doit être engagée dans un projet de cohésion humaine et global. » Son intervention introductive a donné le ton souhaité par Loïc Dombreval, l’organisateur, à savoir qu’il faut surmonter les divisions pour faire cause commune.

DR. La salle Victor-Hugo était comble et attentive aux interventions.

Matthieu Ricard : un fossé éthique entre notre espèce et les autres

Le moine philosophe, qui ne pouvait pas être présent, a toutefois honoré son invitation au débat en envoyant un message vidéo. Comme le mathématicien, il a tenu à replacer le bien-être animal dans « un cadre global » sans cacher le prix que les animaux paient pour notre seul intérêt. « Chaque année, nous tuons 60 milliards d’animaux terrestres, mille milliards d’animaux marins, et tout cela sans aucun problème», a-t-il commencé avant de nous interroger sur la souffrance animale. « Est-il juste et moral d’infliger des souffrances non nécessaires pour notre propre bénéfice ? La réponse est non. »

DR. Le moine bouddhiste Matthieu Ricard était présent via une vidéo.

Pour le moine bouddhiste, « la souffrance a diminué dans tous les domaines, mais il reste ce fossé éthique entre nos deux espèces. Il y a beaucoup à faire, mais ce travail est nécessaire pour avoir une cohérence éthique. Il nous faut changer nos habitudes et réfléchir en tant qu’êtres humains, sans penser aux lobbies. »

Frédéric Lenoir : « on paie dans notre chair de manger un animal qui a souffert »

Le philosophe et sociologue a pris la parole pour indiquer qu’il y a une grande convergence entre le bien-être humain et le bien-être animal. Que l’empathie n’est pas dirigée uniquement vers l’homme mais vers tout être vivant et que lorsqu’il y a cruauté envers les animaux, il y a souvent cruauté envers l’être humain. « Nous parlons des mêmes sujets lorsque nous parlons d’humanisme, de droits de l’homme et d’amélioration du bien-être animal, a-t-il dit. Rappelant que les grands personnages de l’histoire qui ont fait progresser les droits de l’homme étaient tous engagés dans la cause animale. « Je suis convaincu que le débat est en train de franchir le pas décisif de l’élargissement de la morale à tous les êtres vivants, a-t-il affirmé, même si les étapes du droit et de la justice ont lieu avant celle de la pratique. »

Pour l’écrivain, beaucoup de raisons rationnelles nous poussent à franchir ce pas. Et pas simplement empathiques car « quand on mange un animal qui a souffert, on mange quelque chose qui va nuire à notre santé. On le paie dans notre chair. J’invite les scientifiques à faire des recherches dans ce sens. »

Une autre raison est simplement humanitaire : « Les terres arables qui sont actuellement exploitées le sont pour nourrir les animaux qui vont nourrir les pays riches, prévient-il. En 1985, l’Ethiopie a vécu une famine sans précédent alors que le pays exportait des céréales pour nourrir ces animaux. » Diminuer la consommation de viande sur la planète permettra ainsi de nourrir plus de gens et de voir disparaître les famines.

Mais ce progrès doit passer par les enfants et l’éducation, « celle du cœur », a-t-il martelé.

Anne-Claire Gagnon : « lien entre la maltraitance animale et la maltraitance humaine existe »

Vétérinaire et présidente de l’association contre la maltraitance humaine et animale, Anne-Claire Gagnon a expliqué que la première violence naît dans la méconnaissance des besoins des animaux et la détresse psychologique des éleveurs ou des personnes qui travaillent dans ce secteur.

Pour la spécialiste des chats, le lien entre la maltraitance animale et la maltraitance humaine est avéré et lutter contre l’une permet d’agir sur l’autre. Si aucune publication scientifique française n’est faite sur le sujet, près de 100 existent dans les pays anglo-saxons et les Etats-Unis et témoignent que la violence faite aux animaux conduit à la violence faite aux hommes. Majoritairement, cette violence est le fait d’hommes ou de jeunes garçons. Dans 88% des familles où des violences sont faites aux enfants, il existe des violences à l’encontre des animaux, dont deux-tiers par le père et un tiers par les enfants maltraités eux-mêmes. 

Les racines de la violence sont à chercher dans le manque d’empathie, la volonté de contrôle, le manque de respect de l’animal, qui se double souvent d’un manque d’estime de soi, et dans des traumatismes précoces.

Virginie Michel : mieux traiter les animaux pour mieux consommer

Coordinatrice nationale des questions de bien-être animal auprès de l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, la technicienne a invité à « permettre aux enfants d’entrer dans les lieux d’élevage afin de leur donner les outils pour choisir, plus tard, le type d’élevage qu’ils veulent consommer ».

Une manière de montrer que le fossé qui existe aujourd’hui entre celui qui produit et celui qui consomme n’a fait que se creuser durant les dernières décennies.

Si la mission principale de l’Anses est de mesurer les risques sanitaires (donc pour l’homme) du secteur de l’alimentation (entre autres), la création d’un centre national de références sur le bien-être animal a été créé en 2017. Il est à la fois un centre de documentations et d’informations, un appui scientifique et technique et un centre de formation.

Boris Cyrulnik : « Descartes a empêché la psychologie de devenir une démarche scientifique »

C’est le neuro-psychiatre français qui a été invité à clôturer ce colloque. Une intervention intelligente et pédagogique qui a permis de détendre un auditoire quelque peu crispé après les interventions technico-administratives des représentants des organismes publics de santé animale. Ces derniers n’ont en effet pas franchement convaincu de la volonté d’une réflexion dans le sens  d’une diminution réelle de la souffrance animale dans les filières d’élevage.

DR. Boris Cyrulnik, le neuro-psychiatre, a rappelé que l’empathie est éducative.

D’entrée de jeu, le scientifique a tenu à retracer la problématique de la souffrance animale dans l’histoire de l’humanité. « Plus nous étions nombreux sur cette planète, plus il fallait construire des structures sociales, a-t-il commencé. La chasse a été le début de la construction de cette organisation sociale. Freud et Levi-Strauss ont d’ailleurs dit que nous l’avons construite grâce au meurtre !»

Il nous a fallu alors justifier et donner un sens à ces assassinats. C’est ensuite que nous nous sommes appropriés les animaux en les domestiquant. « Mais la domestication ne nous dit pas qui sont les animaux, mais ce qu’ils sont, ce pourquoi nous les utilisons, a expliqué Boris Cyrulnik »

Il y a encore peu, le monde scientifique était encore très « formaté » par Descartes et sa théorie de l’animal machine, celui qu’on peut disséquer vivant car incapable de souffrir. Le neuro-psychiatre évoque sa propre formation où la souffrance de l’animal n’était même pas conceptualisée par un de ses enseignants qui, alors qu’il rechignait à ouvrir un animal qui criait sa souffrance, lui répondit « lorsque votre vélo grince, pensez-vous qu’il souffre ? »

« Descartes a empêché la psychologie de devenir une démarche scientifique, explique-t-il, les animaux n’étaient que des corps. » Et jusqu’il y a peu, au regard de l’histoire de la médecine, les enfants n’étaient pas loin d’être traités de la même manière puisque les médecins rechignaient à leur prescrire des antidouleurs au prétexte qu’ils faisaient disparaître les symptômes !

Pour celui qui a vulgarisé le concept de la résilience (ce qui permet à l’individu de renaître de sa souffrance), l’empathie n’est pas innée. Elle s’acquiert par l’éducation. « Les enfants qui sont bien élevés, dans un environnement sécurisé, développent de l’empathie vers les autres. Beaucoup d’individus n’ont pas accès à cette altérité. Notamment dans les pays en guerre où on héroïse les petits garçons et les hommes violents. Même les mères culpabilisent leurs garçons si ils se montrent timorés. »

Le scientifique pose la question de l’origine génétique de l’empathie. « Il y a plus d’hommes que de femmes dans les prisons, plus de pédophiles chez les hommes que chez les femmes, lance-t-il. Si il est certain que l’empathie est éducative, on peut se poser la question de son origine génétique… »

Pour convaincre l’auditoire que notre bien-être est indissociable de la manière dont nous traitons les animaux, le neuro-psychiatre a terminé son intervention par une étude menée par un médecin sur des éleveurs. « Il a travaillé sur deux groupes d’éleveurs. Un premier qui montrait de l’empathie envers les animaux et veillait à leur bien-être, un second centré sur la productivité et la rentabilité. Le médecin a croisé ces groupes avec les prises de tranquillisants des éleveurs. Et quel groupe croyez-vous qui prenait le plus de tranquillisants ? »…

DR. Au centre, le député LaRem Loïc Dombreval, initateur de ce colloque et chef du groupe bien-être animal à l’assemblée nationale.

Pour Loïc Dombreval, ce premier colloque doit se transformer en quelque chose de durable et permettre à la vision du « oneWelfare » (un seul bien-être) d’être une nouvelle grille de lecture de notre manière de traiter les animaux, qui doit être « re(ré)formant et non déformant ». Il a invité chacun des auditeurs à aller convaincre un par un les parlementaires encore peu sensibles à cette nouvelle exigence d’une partie de plus en plus importante de notre société. « Il faut que cette idée gagne du terrain », a-t-il plaidé, tout en prévenant qu’on ne peut pas « travailler sur ces questions dans la violence car les choses se braquent, se tendent, se rétractent et finalement se bloquent. »

Dans des mots à peine voilés, il a invité les associations, militants et acteurs de la cause animale au lobbying pour convaincre l’opinion, les parlementaires et finalement atteindre le gouvernement.

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