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Comment aider son enfant à faire le deuil de son animal ?

Annique Lavergne est docteur en psychologie et spécialiste du deuil animalier au Canada. Elle publie un livre à destination des enfants pour les aider à surmonter la douloureuse perte d’un compagnon. Entretien.

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Comment aider son enfant à faire le deuil de son animal ?
Shutterstock

En 2012, Annique Lavergne, maman de deux enfants, fait face à la disparition de leur chien Solo, un golden retriever. Diplômée en psychologie à l’université de Laval au Canada, spécialiste du deuil animalier, Annique Lavergne, après avoir vécu cette expérience avec sa propre famille, a eu envie de créer un outil pour aider les parents et les enfants à appréhender au mieux ces moments douloureux. L’ouvrage, édité aux Editions de l’Homme (12,90€), est un livre d’activités, joliment illustré, qui apprend pas à pas à faire son deuil.

Annique Lavergne  Studio Foto-Genik 

Animaux-Online : Comment vous êtes-vous intéressée à la thématique animale ?

Annique Lavergne : Très jeune, j’ai été attachée aux animaux de compagnie, j’en ai côtoyé plusieurs dans le courant de ma vie. Quand j’ai commencé ma maîtrise en psychologie, j’ai été particulièrement touchée par la mort du chien que j’avais à l’époque. Son décès a été un moment très difficile pour moi. Cela m’a conduit à m’interroger sur l’ampleur et l’intensité de la perte d’un animal, et à chercher à savoir pourquoi, pour certaines personnes, le processus de deuil peut prendre plus de temps que pour d’autres. Ainsi, de 1992 à 2003, tous mes travaux universitaires ont été consacrés au deuil animalier.

A-O : Pourquoi avoir eu l’idée d’écrire ce livre ?

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A-L : Plus tard en 2012, j’ai vécu un autre deuil, celui de notre chien Solo, mort de vieillesse. Ce décès est intervenu dans des circonstances de vie difficiles car j’étais en train de me séparer du père de mes deux filles. Leur vie a été complètement chamboulée en l’espace d’une semaine. La disparition de Solo a été dure à accepter pour mes enfants, car ce chien leur apportait du soutien et un amour inconditionnel. J’ai cherché des livres pour les aider et je me suis aperçue qu’il existait peu de littérature sur ce sujet, en français et à destination des enfants. C’est ce qui m’a amenée à écrire ce livre.

A-O : Comment expliquer le manque de ressources sur ce sujet ?

A-L : Même si l’on constate une certaine évolution ces dernières années, la perte d’un animal est un deuil encore marginalisé. Les gens qui n’ont pas d’animaux de compagnie ont souvent du mal à comprendre l’intensité que peut avoir ce type de deuil. Pour les enfants, la perte d’un animal est souvent la première expérience de mort et de deuil. C’est un concept difficile à comprendre pour eux et, malgré la bonne volonté des parents, ceux-ci sont peu outillés face à cet événement pour accompagner leurs enfants dans cette épreuve.

A-O : La perte d’un animal est-elle plus difficile à gérer pour un enfant que pour un autre membre de la famille ?

A-L : Enfant et adulte peuvent vivre la perte d’un animal de façon très intense. Mais un enfant n’a pas forcément accès à une compréhension entière de ce qu’est la mort. Un enfant en bas âge peut croire que l’animal va revenir, et souvent les parents vont faire l’erreur de mal verbaliser ce qui est arrivé à l’animal de compagnie, avec des phrases comme : « il est parti faire un long voyage », « il fait un beau grand dodo » … cela va être d’autant plus difficile pour l’enfant de bien comprendre ce qu’il se passe.

Editions de L’homme

A-O : Quelle est votre « méthode » proposée dans ce livre ?

A-L : Il s’agit principalement d’un album d’activités pour les enfants. Dans une première partie, les enfants peuvent se remémorer les caractéristiques de leur animal en insérant des photos et en dessinant leurs souvenirs. Ils sont aussi amenés à identifier et exprimer les émotions qu’ils ont ressenties au moment de la perte et dans les jours ou semaines qui ont suivi le décès de l’animal. Puis le livre, en douceur, explique en termes simples mais concrets, ce qu’est le processus de deuil. Il permet également aux enfants d’explorer ce qui a mené à la séparation de l’animal, qui n’est pas toujours liée à un décès. Ce peut être la séparation des parents, par exemple. A la fin du livre, je propose des activités et des rituels à faire en famille pour accompagner le deuil de l’animal. Ces moments de partage, pour parler et échanger des souvenirs, sont importants pour surmonter la perte d’un être cher. 

A-O : Avant le deuil, se pose souvent la question de l’euthanasie. Comment l’aborder au mieux avec son enfant ?

A-L : Quand on est parents, on veut protéger nos enfants des émotions négatives. On est alors tenté de ne pas informer les enfants que l’animal est malade, et qu’il va falloir l’euthanasier. Mais il faut savoir qu’un enfant peut tolérer la vérité beaucoup plus qu’un mensonge ou une déception de la part de ses parents. Il faut éviter de dire à l’enfant des choses qu’il va découvrir comme étant fausses plus tard. Parler de moments difficiles fait du bien à l’enfant, car ça lui permet de dégager toutes sortes d’émotions et de poser les questions nécessaires.

A-O : A partir de quel âge un enfant comprend-il le concept de la mort ?

A-L : De 3 à 5 ans, la mort est encore temporaire et réversible. De 6 à 9 ans, les enfants vont beaucoup penser à la physiologie de la mort : que se passe-t-il avec le corps, comment se passe le processus de décomposition ? Puis vers 10 ou 12 ans, ils vont commencer à comprendre la finalité de la mort. Ils comprennent donc que leur animal de compagnie ne reviendra plus.  

A-O : Est-ce une bonne idée de reprendre un animal par la suite ?

A-L : Lorsqu’un animal commence à devenir âgé, il n’est pas contre-indiqué d’accueillir un nouveau compagnon dans la maison, pour préparer une sorte de transition.  Ce n’est pas malsain. Au contraire, les enfants vont pouvoir avoir un soutien, un confident avec lequel ils pourront se rassurer lorsque leur premier animal va décéder. En revanche, je ne recommande pas du tout de reprendre un compagnon dans les jours ou les premières semaines qui suivent la mort d’un animal. Cela peut empêcher la bonne évolution du processus de deuil. On risque de ne pas se donner le temps nécessaire pour correctement exprimer notre chagrin, notre colère… Et pour le nouvel animal de compagnie accueilli trop tôt, cela peut induire dès le départ une relation compliquée entre lui et sa nouvelle famille.

A-O : Avez-vous appris quelque chose après la perte de votre chien Solo ? Que retenez-vous de ce moment difficile ?

A-L : Les animaux nous ramènent à l’essentiel de la vie. Avec eux, on est dans le moment présent. On n’est pas dans nos inquiétudes ou dans nos regrets. Ils nous donnent un équilibre et une simplicité de vie qui, malheureusement, nous échappent trop souvent. En tant qu’adultes, nous avons du mal à exprimer nos émotions liées à la perte d’un animal de compagnie. On a peur d’être raillé, d’être jugé. Mais il est important de parler et d’exprimer la tristesse et les émotions associées à ce genre de perte, car c’est une perte réelle et les maîtres méritent nos sympathies et nos reconnaissances que c’est un deuil véritable.

« Le deuil de mon animal de compagnie » de Annique Lavergne, illustrations Yves Dumont. Editions de l’Homme. 12,90€

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Publié le 17 juillet 2018
7 minutes
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