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Réflexions et émerveillements pour comprendre la cause animale

Rencontre avec le photographe Laurent Baheux et la philosophe Audrey Jougla, qui publient un livre mêlant images et pensées afin de comprendre, en 12 chapitres clés, les principaux enjeux actuels de la cause animale.

Réflexions et émerveillements pour comprendre la cause animale
Laurent Baheux

Animaux-Online : Quel est l’objectif de ce livre ?

Audrey Jougla : Animalité fait partie de la collection photo-philo des éditions Atlande. Le but est de mettre la philosophie à la portée du plus grand nombre, à travers l’image, qui permet d’accéder à des textes que l’on n’aurait pas forcément lus autrement. Il me semblait intéressant d’appliquer cette démarche à la cause animale, par ailleurs souvent liée à la souffrance et à la dénonciation. Or le beau et la réflexion sont aussi des moyens importants de sensibilisation.

A-O : Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler ensemble à la réalisation d’Animalité ?

A.J. : Avant ce livre, je connaissais déjà le travail de Laurent. Lorsque le projet d’Animalité s’est précisé, j’ai pensé que ses photographies seraient idéales. J’aime beaucoup le noir et blanc. Je trouve que cela permet de s’attacher aux expressions, au regard de ceux qui sont photographiés. Et puis Laurent arrive à capter des attitudes inattendues et parfois déroutantes chez les animaux. C’est ce qui fait que ses photographies, en plus d’être très esthétiques, ont du caractère. Chaque animal apparaît comme un individu à part entière.

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Laurent Baheux : La cause animale est un sujet qui me parle depuis longtemps, et j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de constater que la photographie est un bon moyen de sensibilisation. J’essaie toujours d’utiliser mes photos pour faire passer une émotion qui rentre par l’œil pour atteindre le cœur. L’image peut transmettre quelque chose de l’ordre de l’instinct et de l’émotion visuelle, et ce livre, à travers les textes et les thématiques choisies par Audrey, explique aussi pourquoi cette émotion nous atteint.

« Animalité »

« Animalité », morceaux choisis

Ce babouin pensif nous interroge, dans le livre, sur le concept d’altérité avec l’animal, et sur la question de l’expérimentation scientifique, autorisée sur certains animaux, mais interdite au sein de l’UE sur des espèces jugées trop proches de l’homme comme les grands singes.

« Selon le Safari Club International, 18 500 touristes occidentaux s’offrent une partie de chasse en Afrique. (…) Le tarif d’une chasse au lion ou à l’éléphant se situe autour des 50 000 €. »

« Le 22 janvier 2016, une étude publiée dans la revue Science, « Oxytocin-dependent consolation behavior in rodents », démontre que les campagnols des prairies sont capables d’empathie.(…) Les corbeaux montrent aussi des signes de consolation entre eux, et leur empathie a été démontrée par plusieurs études. (…) Voilà de quoi remettre en cause notre regard sur la faune en général, aussi petite ou éloignée de nous soit-elle. »

« Je me plaignais de ne pas avoir la climatisation dans ma voiture. (…) Des heures à 40°C, en eau, en nage. (…) Surgit alors un camion bien chargé, dodelinant presque sous sa cargaison. (…)Des veaux entassés, le nez cherchant désespérément un peu d’air, même s’il est chaud. « 

« L’instinct maternel des ours est particulièrement reconnu, d’autant plus que la mère est seule à élever ses petits. (…) Fait moins connu : selon une recherche menée par des biologistes de l’université de Bristol, au Royaume-Uni, les poules sont aussi sensibles que les humains aux souffrances de leurs congénères, et notamment celles de leurs poussins. »

En France, l’arrêté du 3 mai 2017 interdit notamment la reproduction des cétacés en captivité. « A terme, il devait amener à la fin de delphinariums. Mais le 30 janvier 2017, le Conseil d’Etat annule ce texte pour vice de procédure »; ce qui permet la poursuite de l’activité des delphinariums.

« Alors que la législation européenne s’apprêtait à imposer aux éleveurs des cages de plus grande taille, une étude menée par l’INRA conclut en 2012 que les poules préfèreraient les cages. Un résultat à l’opposé du sens commun et des critiques militantes de l’élevage en batteries. Certains dénoncent alors la collusion et l’instrumentalisation de la science par des intérêts industriels. »

 Laurent Baheux – Adrey Jougla

A-O : Selon les scientifiques, nous sommes en train de vivre la 6e extinction de masse des espèces. Sommes-nous capables de réagir à temps à cette situation ?

A.J. : Je suis plutôt pessimiste en ce qui concerne la gestion globale de nos ressources. Il me semble difficile qu’une responsabilité se dégage au niveau international. En revanche, je pense qu’au niveau individuel, le rapport à l’animal va évoluer positivement. Mais malheureusement, cette prise de conscience seule ne suffit pas. C’est peut-être l’émergence de nouvelles technologies et la recherche d’énergies propres qui pourront contribuer à préserver notre biodiversité.

L.B. : Petit, déjà, j’entendais des lanceurs d’alerte qui mettaient en garde contre la perte de notre biodiversité et la dégradation de notre environnement. Je pense qu’aujourd’hui, il est trop tard pour être pessimiste. Il y a de plus en plus de gens conscients des enjeux de la destruction des ressources et des espèces, mais il faut que cette prise de conscience évolue vers des actions.

A-O : Quelle est l’urgence ?

L.B. : Arrêter de détruire les habitats naturels des espèces sauvages. C’est pour moi la priorité absolue. L’homme progresse partout à grands coups de bulldozers, empiétant même sur des espaces considérés comme des refuges de biodiversité. Des animaux disparaissent du fait des activités humaines.

A-O : Qu’est-ce qui vous a amenés à vous intéresser aux animaux ?

A.J. : Petite, déjà, je préférais les peluches aux poupées ! J’ai pris conscience de la tristesse du sort des animaux assez tôt, en voyant des images de la Fondation Brigitte Bardot dans les abattoirs. Cela m’a révoltée, et je suis devenue végétarienne à 7 ans. Mon rapport à l’animal est quelque chose de très profond.

L.B. : J’ai toujours eu ça en moi. J’ai grandi à la campagne et mes parents m’ont inculqué le respect de la nature et de l’animal. Ensuite, mon parcours de vie m’a fait devenir citadin, à Paris, où j’ai vécu pas mal d’années. J’ai ressenti à cette époque le besoin, fort, de me reconnecter avec des choses essentielles pour moi, un besoin vital de m’échapper dans la nature. C’est ainsi que je suis allé en Afrique photographier la faune sauvage. Aujourd’hui, j’ai quitté la capitale pour m’installer dans mon Poitou natal.

A-O : Qu’est-ce qui vous fascine le plus chez les animaux, encore aujourd’hui ?

A.J. : Le fait qu’ils ne parlent pas. Cela change beaucoup de choses dans nos rapports. On essaie de savoir ce qu’ils veulent, ce à quoi ils pensent. Cela nous oblige à faire un effort pour changer de point de vue, pour essayer de comprendre l’autre. Même si la communication est différente, cela ne nous empêche pas de nouer de vraies relations d’amitié avec les animaux. Ce sont nos meilleurs confidents, d’une incroyable tolérance envers nous. En même temps, nous sommes toujours face à cette énigme : « quel est leur monde ? »

L.B. : Cette capacité de vivre le quotidien sans calcul, en étant en harmonie avec leur environnement. Leurs instincts sauvages et leur rapport à la nature que nous, humains, avons perdus ou oubliés, me plaisent.

A-O : Un message essentiel à faire passer pour sensibiliser le plus grand nombre à l’importance de la protection des animaux ?

A.J. : Il faut sortir de la distinction que nous faisons entre les animaux domestiques et les autres, ceux que l’on mange, ceux que l’on exploite. Il y a là une incohérence morale et rationnelle. Il y aurait un changement radical si l’on considérait les agneaux avec la même tendresse spontanée que l’on peut avoir pour un chat ou un chien. Très peu d’animaux sont exempts du statut de ressource à exploiter, alors que toutes les espèces méritent notre respect.

L.B. : Respecter le vivant sous toutes ses formes. Les animaux sont capables de ressentir, ils ne peuvent pas être traités comme des marchandises. Les animaux sont des individus à part entière. Chaque lion est différent. Nous devons nous poser la question de notre devoir moral vis-à-vis des animaux si nous voulons progresser dans notre humanité.

Animalité, de Laurent Baheux et Audrey Jougla, éditions Atlande. 19€

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