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Comment le cheval a-t-il influencé l’histoire de l’humanité ?

Le chercheur Ludovic Orlando coordonne une étude internationale visant à comprendre comment l’homme a façonné le cheval au cours de son histoire. Mais ses recherches ont abouti à des révélations surprenantes, montrant toute l’étendue du mystère de l’origine des équidés.

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Comment le cheval a-t-il influencé l’histoire de l’humanité ?
L. Orlando-Natural History Museum of Denmark-CNRS

Sans le cheval, notre histoire n’aurait pas été la même. Mais alors que le destin des hommes et celui des équidés sont étroitement liés, on s’aperçoit que l’on ne sait en réalité que peu de choses sur l’origine de ces animaux et leur apprivoisement. C’est ce qu’ont révélé les résultats, publiés dans la revue Science le 22 février, d’une équipe de chercheurs internationale*. À la surprise générale, cette étude a révélé que, contrairement à ce que l’on pensait jusqu’à présent, l’origine du cheval domestique ne se situe pas en Asie centrale.

« La découverte est aussi importante qu’inattendue. C’est un peu comme si l’on se rendait compte que le berceau de l’humanité n’était pas en Afrique, mais au Groenland », explique Ludovic Orlando, coordinateur de l’étude, directeur de recherche au CNRS et professeur d’archéologie moléculaire à l’université de Copenhague. 

Une double découverte

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On pensait en effet que les chevaux avaient été domestiqués pour la première fois dans les steppes d’Asie centrale. Les plus anciennes traces de cette domestication, il y a 5 500 ans, ont été retrouvées sur le site archéologique de Botai, au nord du Kazakhstan. Des ossements de chevaux déterrés à proximité d’habitations humaines, des traces de mors repérées sur les dents des équidés ou bien encore des résidus de lait de jument (supposant une traite par les hommes de Botai) sont autant de preuves attestant d’une conquête du cheval par les humains dès cette période.

Au départ, l’objectif de l’équipe de Ludovic Orlando était de « prendre l’évolution la main dans le sac », c’est-à-dire de saisir le moment où le cheval a évolué biologiquement du fait de cette domestication. Pour cela, elle a fait appel à l’analyse génétique. Les chevaux modernes ayant été considérablement transformés par la sélection des éleveurs, les chercheurs ont séquencé les génomes de plusieurs chevaux, anciens et modernes, couvrant une période de 4 100 ans. Ils ont comparé leurs analyses à des prélèvements effectués sur les restes de chevaux de Botai, utilisant notamment des dents et des os exhumés sur des sites archéologiques.

Et cette analyse a eu des résultats inattendus. Les chercheurs ont donc découvert que les chevaux de Botai ne sont pas apparentés à nos chevaux domestiques modernes, mais qu’ils sont, en réalité, les ancêtres directs… des chevaux de Przewalski, aujourd’hui sauvés de l’extinction grâce à des programmes de conservation. Il s’agit d’un deuxième coup de théâtre, car cela signifie que les Przewalski ne sont pas les derniers représentants sur Terre des chevaux sauvages, comme on le pensait. Ce sont en fait des équidés issus d’animaux domestiqués, les Botai, et retournés dans la nature après avoir échappé à leurs propriétaires.

« Dès que l’on pense à l’histoire, le cheval n’est jamais loin » 

Pour les scientifiques, ces révélations opèrent un véritable « chamboule-tout dans les origines des chevaux. »  Mais au-delà de la recherche génétique, l’importance de ces questionnements est aussi culturelle. Car comprendre l’histoire du cheval, c’est aussi mieux comprendre l’histoire de l’homme, ou comment les cultures humaines ont façonné le monde via l’animal : « On s’intéresse au cheval car c’est l’animal qui a le plus influencé l’histoire de l’humanité, détaille Ludovic Orlando. Grâce à la domestication du cheval, on est allés plus loin et plus vite. Cela a favorisé un métissage sans précédent de nos gènes, mais aussi de nos maladies, ou bien encore de nos cultures et de nos religions. » 

En outre, le cheval, qui a été largement utilisé par l’homme pour le rendement agricole, représente une part essentielle de « l’art de la guerre ». Il « fait partie intégrante de l’Histoire avec un grand « H », telle qu’on la raconte à partir de grandes batailles. Dès que l’on pense à l’histoire, le cheval n’est jamais loin. […] Sans cheval, notre histoire serait très différente. On peut prendre pour exemple l’histoire des Amériques où il n’y avait pas de chevaux avant l’arrivée des colons. Le développement de ces territoires a été très différent de ce que l’on a pu connaître sur le continent eurasiatique. En revanche, dès que le cheval a été introduit sur le continent américain, il a fallu seulement deux générations pour que la population se l’approprie ».

De possibles origines européennes 

Grâce à l’étude génétique, les auteurs de l’étude ont montré qu’entre 4000 et 5000 ans avant aujourd’hui, la population de chevaux dans le monde a connu une très forte expansion démographique en un temps relativement réduit. Cela correspondrait environ à une multiplication par 20 du nombre de chevaux en quelques siècles. Mais pour le moment, l’origine de ce cheval domestique ayant réussi à conquérir la planète reste un mystère.

Il n’est d’ailleurs pas exclu que cette origine soit multiforme, souligne Ludovic Orlando. « On peut imaginer que la technologie, au sens de l’art équestre, élaborée à Botai se serait déplacée et appliquée à d’autre endroits sur Terre. Il aurait ainsi pu y avoir d’autres chevaux domestiqués, indépendants génétiquement du cheval de Botai, mais issus d’un même savoir-faire. »

« L’ampleur de la recherche qui reste à accomplir semble vertigineuse, reconnaît le scientifique. Mais nous avons fait de grands pas en avant, et il y a encore plusieurs pistes de recherches à explorer. Si le site de Botai est celui où l’on a retrouvé les plus anciennes traces de domestication du cheval, il existe d’autres sites candidats à examiner, en Asie centrale, mais aussi dans les steppes pontiques du sud de la Russie, en Anatolie et même en Europe, dans la péninsule ibérique et en Ukraine. » L’énigme du cheval est encore loin d’être résolue.

* Étude internationale, ERC PEGASUS, impliquant 47 chercheurs représentant 28 institutions.

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Publié le 8 mars 2018
5 minutes
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