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Qui décide du sort des animaux ?

À l’heure où les scientifiques évoquent la sixième extinction de masse des espèces, la protection de la faune sauvage semble plus que jamais une urgence, dépendante de la responsabilité humaine. Mais entre la souveraineté des États et les réglementations internationales, la protection des espèces se révèle complexe à assurer. Reste le rôle des ONG, des scientifiques et de la société civile, déterminant pour la survie de millions d’animaux.

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Qui décide du sort des animaux ?
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À l’international, conventions commerciales et recommandations scientifiques

Il existe des cadres à l’échelle internationale pour contribuer à la préservation des espèces. Le plus contraignant est en fait un accord de nature commerciale entre les États. Il s’agit de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. Elle est plus connue par son sigle CITES ou encore comme la convention de Washington. Signée en 1973, cette convention a pour but d’empêcher la surexploitation des espèces les plus menacées. La CITES a par exemple interdit, depuis 1989, le commerce international de l’ivoire afin de mettre fin à la réduction critique des populations d’éléphants. Mais de nombreuses dérogations à cette interdiction ont été exploitées par les trafiquants.

De plus, chaque États signataire – 175 à ce jour, dont la France – reste souverain ; en aucun cas la  CITES ne peut tenir lieu de loi nationale. Les signataires doivent ainsi adopter leur propre législation pour mettre en vigueur les réglementations de la CITES. C’est alors le rôle d’ONG internationales comme l’IFAW (le Fonds international pour la protection des animaux) de travailler auprès des États pour faire des recommandations en faveur des espèces. « Chaque pays vote en fonction de ses propres intérêts. Notre mission est d’établir des recommandations sur des bases scientifiques pour convaincre les pays de soutenir et voter certaines propositions au sein de la CITES », détaille Céline Sissler-Bienvenu, directrice France et Afrique francophone de l’IFAW.

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Le rôle le plus important en matière de recommandations internationales pour la préservation des espèces est tenu par l’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature. Cette organisation a un statut tout à fait à part : ce n’est pas une organisation non gouvernementale, puisque près de 80 États en sont membres. Les recommandations émises pas cet organisme n’ont pas non plus de valeur réglementaire. L’UICN, considéré comme neutre, établit sa légitimé sur un fondement scientifique, permettant un état des lieux des espèces à protéger en priorité en fonction de l’intensité des menaces pesant sur elles. Ce sont ainsi plus de 9 000 spécialistes à travers le monde qui établissent la fameuse liste rouge mondiale des espèces menacées. Celle-ci fait figure de référence mondiale et sert à orienter et éclairer les prises de décisions de différents pays.

Les États, véritables décideurs de la gestion des espèces sur les territoires

La question de la préservation des espèces dépend en fait véritablement de chaque État, même si les logiques de biodiversité et d’écosystèmes ne connaissent pas de frontières. Les politiques concernant la protection des espèces sont ainsi très variables d’un pays à l’autre, en dépit des cadres donnés par les quelques grandes instances internationales citées plus haut. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis a par exemple montré à quel point un nouveau gouvernement pouvait remettre en question des mesures de protection des espèces à l’échelle d’un pays : abrogation d’une loi sur la protection d’animaux marins en voie de disparition, ré-autorisation des tirs sur les ours en hibernation en Alaska… les actions menées par l’actuel gouvernement américain ne cessent de soulever les vives critiques des associations de protection animale et des défenseurs environnementaux. 

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En ce qui concerne la France, la nouvelle loi pour la reconquête de la biodiversité, promulguée en 2016, a pour but de moderniser et de compléter notre droit de l’environnement. Elle renforce notamment les outils de protection des espèces endémiques en danger, mais est encore loin de régler toutes les questions de biodiversité qui se posent sur notre territoire, comme le montre la question des espèces dites « nuisibles ». Le terme en lui-même a été banni de la nouvelle loi biodiversité, reconnaissant ainsi que le concept de « nuisible » n’a pas de sens biologique, toutes les espèces ayant un rôle à jouer dans les écosystèmes. Cependant, sur le terrain, une liste d’animaux « susceptibles d’occasionner des nuisances » permet toujours aux préfets d’autoriser, département par département, la chasse, tout au long de l’année, de certains animaux comme le renard roux, la belette ou  la corneille noire.

L’Union européenne, un pouvoir limité

Plusieurs dossiers sensibles concernant la gestion des espèces soulèvent également la question de la réglementation européenne. L’UE constitue bien souvent un recours pour les associations de défense animale. Le « dossier loups », très sensible en France, est emblématique. Le Canis lupus est une espèce protégée, en Europe, par la directive européenne de 1992 relative à la conservation des habitats naturels. Les loups ne peuvent donc pas être chassés. Les abattages autorisés chaque année en France par arrêtés préfectoraux reposent sur une dérogation prévue par cette directive habitat lorsque les prédations sur les troupeaux sont jugées trop fortes. Mais ces arrêtés outrepassent parfois la réglementation européenne, et seul le suivi attentif des associations permet de rappeler le gouvernement à l’ordre. 

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Réintroduction de l’ours, lutte contre le braconnage de l’ortolan… les exemples peuvent se multiplier. Cependant, comme a pu le constater Alain Reynes, président de l’association Pays de l’Ours-Adet, les effets des menaces des sanctions européennes sont limités. « Une procédure pour infraction a déjà été lancée contre la France à l’échelle européenne. Notre pays est mis en demeure depuis 2012, car les mesures prises sur notre territoire sont insuffisantes pour maintenir notre population d’ours. Mais il s’agit de procédures très lentes, et souvent, les instances européennes se montrent très conciliantes avec les pays mis en cause sur ces sujets ».

La mobilisation citoyenne, nouveau levier pour la protection animale

Au-delà du cadre législatif, la protection des espèces est aussi une question de société. « En Occident, du moins, où l’on se pose de plus en plus la question de la protection des animaux et de leur bien-être, on note une évolution des mentalités, et une demande de plus en plus forte se développe pour le respect de la vie animale. C’est un sujet que les décideurs politiques ne peuvent plus éviter », analyse Cécile Sissler-Bienvenu.

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La publication de l’arrêté, le 6 mai dernier, interdisant la reproduction  des orques et des dauphins en captivité et annonçant la fin programmée des delphinariums, traduit une prise de conscience collective. De même que la demande de moins en moins forte pour les spectacles d’animaux en captivité. Dans un tout autre registre, l’étiquetage des œufs, rendu obligatoire, a permis aux consommateurs d’être informés sur la provenance des produits, et sur les conditions de vie des animaux d’élevage. Cela a entraîné une baisse de la consommation d’œufs de poules élevées en cage, et a incité, par un effet boule de neige, de plus en plus d’enseignes à ne plus proposer ce type d’œufs. « Consom’acteurs », mobilisations citoyennes… des leviers importants existent aussi à l’échelle individuelle pour contribuer à la protection animale, et offrent une vision encourageante pour l’avenir. 

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Publié le 27 octobre 2017
6 minutes
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